Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 24.djvu/592

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
588
revue philosophique

peu à peu, tout en continuant à rester réunis par leur extrémité buccale, ils se renversent sur les côtés de la ligne longitudinale.

Nous avons mis à part, pour en dire quelques mots, les singuliers phénomènes qui accompagnent la fécondation chez les Vorticelles. Plus encore que les précédents, ces phénomènes ressemblent à la fécondation des animaux supérieurs ; car la fécondation s’opère entre deux individus différenciés dont l’un se comporte comme un élément mâle et l’autre comme un élément femelle. Les Vorticelles sont des colonies d’Infusoires, dans lesquelles il existe des individus sédentaires, présentant la forme d’urnes, et de petits individus libres, appelés Microgonidies, qui se forment par divisions répétées sur l’arbre colonial.

Ces Microgonidies ont tout à fait l’allure de spermatozoïdes. Engelmann[1] a suivi leurs manœuvres ; il les a vus nager en tournant sur leur axe pendant cinq à six minutes, puis, arrivés dans le voisinage d’une Vorticelle, ils changent brusquement d’allure, bondissent autour de celle-ci, comme un papillon qui se joue près d’une fleur, la touchant, puis s’éloignant, revenant et semblant la palper ; enfin, après avoir été visiter les voisines, ils reviennent à la première, et se fixent à sa surface. La conjugaison ne se fait pas sans une certaine résistance de la part de la Vorticelle ; on la voit, dit M. Balbiani, contracter rapidement son pédoncule à chaque attouchement de la Microgonidie, et celle-ci, pour ne pas être rejetée au loin par cette secousse subite, et pouvoir se retrouver toujours auprès de l’individu avec lequel elle veut se conjuguer, se fixe par un filament très fin sur le style de la Vorticelle ; ainsi attachée, entraînée dans les mouvements de cette dernière, elle finit par se mettre en contact avec elle et pénètre dans sa masse[2].

Il est temps maintenant de décrire les phénomènes matériels qui se produisent dans l’intérieur du corps des deux Infusoires et qui constituent l’acte matériel de la fécondation. Les manifestations psychologiques que nous venons de signaler, et qui ressemblent d’une façon si frappante à la période du rut chez les animaux supérieurs, suffiraient déjà à prouver que la conjugaison est un acte sexuel.

Les modifications matérielles qui s’opèrent dans le corps des Infusoires conjugués ne portent point sur tous leurs organes ; la masse générale du corps, le protoplasma, n’y prend qu’une part tout à fait secondaire ; la modification paraît avoir pour siège unique le noyau et le nucléole.

  1. Arch. de Zoolog. expérimentale, t.  V, 1876.
  2. Journal de Micrographie, 1882, p. 241.