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femelle. D’après M. Espinas, qui a bien étudié ce sujet, cinq classes de phénomènes servent à préparer l’union sexuelle : premièrement, des attouchements excitateurs, les plus humbles de tous ces phénomènes, c’est-à-dire ceux qui se rapprochent le plus de l’ordre physiologique ; secondement, les odeurs ; troisièmement, les couleurs et les formes ; quatrièmement, les bruits et les sons ; cinquièmement, les jeux ou mouvements de toutes sortes. Il nous semble que chez l’homme lui-même presque toutes les manifestations de l’amour peuvent être rangées dans ces cinq catégories.

On retrouve chez les formes les plus simples de la vie les premières traces de ces manifestations esthétiques qui ont pour but de préparer deux animaux à l’union sexuée.

« Il est curieux, dit M. Balbiani, de rencontrer chez des êtres que la petitesse de leur taille aussi bien que l’extrême simplicité de leur organisation ont fait placer par tous les zoologistes à la limite la plus reculée du règne animal, des actes qui dénotent l’existence de phénomènes analogues à ceux par lesquels l’instinct sexuel se manifeste chez un grand nombre de métazoaires. Aux approches de l’époque de propagation, les Paramécies viennent de tous les points du liquide se rassembler en groupes plus ou moins nombreux, comme de petits nuages blanchâtres, autour des objets qui flottent à la surface de l’eau ou sur la paroi du flacon qui renferme la petite mare artificielle où l’on conserve ces animaux à l’état de captivité. Une agitation extraordinaire, et que le soin de l’alimentation ne suffit plus à expliquer, règne dans chacun de ces groupes ; un instinct supérieur semble dominer tous ces petits êtres ; ils se recherchent, se poursuivent, vont de l’un à l’autre en se palpant à l’aide de leurs cils, s’agglutinent pendant quelques instants dans l’attitude du rapprochement sexuel, puis se quittent pour se reprendre bientôt de nouveau. Lorsqu’on disperse ces petits amas en agitant le liquide, ils ne tardent pas à se reformer sur d’autres points. Ces jeux singuliers, par lesquels ces animalcules semblent se provoquer mutuellement à l’accouplement, durent souvent plusieurs jours avant que celui-ci devienne définitif.

« D’autres Infusoires, particulièrement les Spirostomes, gagnent les parties profondes du liquide, ou s’enfouissent même dans le sédiment vaseux du fond, pour ne reparaître qu’après que leur séparation s’est effectuée. Les Stentors ont des habitudes différentes ; fixés en grand nombre par leur pédicule sur les parties végétales submergées, qu’ils tapissent souvent comme d’une sorte de petit gazon serré, coloré en vert, en brun, en bleu, suivant les espèces, ils promènent dans toutes les directions la partie antérieure de leur corps allongé en forme de P