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BINET.vie psychique des micro-organismes

chez les Amibes ; pour ces êtres, la condition de la perception de la particule solide, c’est le contact. Un progrès s’accomplit chez les êtres qui peuvent percevoir les corps extérieurs par un contact à distance, comme nous le voyons par exemple chez l’Actinophrys, qui perçoit tous les corps qui viennent impressionner ses longs pseudopodes filamenteux ; mais le pseudopode ne joue là en somme que le rôle d’un organe tactile prolongé. Les cils vibratiles et mieux encore le long fouet des Mastigophores permettent à l’animal de reconnaître à une certaine distance de sa masse les corps voisins, par le contact qu’ils exercent sur ses appendices. On ne sait s’il existe beaucoup d’animalcules qui perçoivent à distance et sans contact direct la présence des aliments ; il semble bien que c’est ce qui se passe chez le Didinium, qui foudroie sa proie à distance sans la toucher.

2o Choix. — Nous avons vu que les Micro-organismes n’ingèrent pas indistinctement toutes les particules solides qu’ils rencontrent. Ils exercent un choix. Chez les espèces inférieures, ce choix est tout à fait rudimentaire ; l’organisme se borne à distinguer les substances minérales, le sable par exemple, des substances organiques ; il repousse les unes et absorbe les autres. Chez les animalcules plus élevés, le choix est plus intelligent. Il existe des Infusoires qui ne se nourrissent que de végétaux ou d’animaux. Il en est même qui se nourrissent exclusivement d’une seule espèce.

Ce choix est un des faits les plus obscurs ; il est fort difficile de l’interpréter sans faire de l’anthropomorphisme. Si l’on s’en tient à ce que l’observation nous apprend directement, voici en quoi consiste le choix lorsque l’animal perçoit certaines espèces de substances, et notamment les substances qui lui servent d’aliment habituel, il exécute toujours le même mouvement, qui consiste dans un acte de préhension ; lorsque la substance rencontrée, vue ou touchée est d’une autre nature, le Micro-organisme n’exécute pas le même acte : Voilà le fait ; quant à l’interpréter, nous en sommes incapables.

D’après M. E. Maupas, si certains Infusoires se nourrissent exclusivement de telle espèce, c’est que leur appareil buccal ou leur appareil préhenseur les rend incapables de se nourrir d’espèces différentes, présentant une autre enveloppe tégumentaire. La question est de savoir si cette explication convient à certains cas, comme cela nous paraît vraisemblable, ou si elle est au contraire tout à fait générale. Nous avouons que l’hypothèse de M. Maupas ne nous explique pas comment un Infusoire chasseur qui décharge des trichocystes, comme le Didinium, attaque le Paramecium aurelia et non le Paramæcium bursaria.

Il est possible que certaines espèces attirent les organismes qui en