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duit secondairement lorsque le rire est amené d’une façon graduelle. La même différence peut s’observer dans la colère suivant la façon dont on la produit, et il est facile chez les hypnotiques d’obtenir les plus grandes variétés d’émotions sincères de ce genre. La peur présente les mêmes variétés (fig.  17, 18, 20).

La prédominance de réaction dans les membres supérieurs me paraît concorder avec le fait observé par M. Mosso, à savoir que, sous l’influence de l’activité psychique, même chez un individu sain, il se produit une augmentation de poids de l’extrémité céphalique du corps[1].

La diminution de tension musculaire qui se manifeste tout d’abord dans les membres inférieurs, sous l’influence des excitations brusques et pénibles, concorde avec ce fait que, dans les émotions violentes, un des symptômes les plus fréquemment observés, c’est le relâchement des muscles des membres inférieurs et des sphincters. Néanmoins, le relâchement musculaire (fig.  15, 16, 17 b), et la diminution de volume (fig.  18) que l’on peut observer aux membres supérieurs dans quelques circonstances, montrent bien que la dépression qui appartient aux émotions pénibles est un point général.

Les quelques faits que nous venons de rapporter montrent que les émotions, suivant leur intensité en rapport beaucoup moins avec la qualité et la quantité de l’excitant qu’avec la constitution du sujet, peuvent déterminer des effets inverses[2]. L’observation n’est pas d’ailleurs nouvelle : « Tantôt la peur nous met des ailes aux talons, dit Montaigne, tantôt elle nous cloue les pieds au sol et les entrave. » On peut dire toutefois que le relâchement musculaire et la diminution de volume des membres (fig.  19) appartiennent d’une manière générale aux émotions pénibles, tandis que les phénomènes inverses appartiennent aux émotions agréables.

Dans son livre, où il est beaucoup plus question des émotions en général que de la peur en particulier, M. Mosso[3] n’a peut-être pas tenu assez compte de cette variété.

Dans les émotions très violentes et surtout prolongées, colère, peur, joie extrême, les muscles au lieu de présenter une simple modification de tension, s’animent de véritables convulsions qui se manifestent tout aussi bien dans le membre inférieur que dans le membre supérieur, avec cette différence pourtant que, dans le membre

  1. J’ai déjà fait remarquer que cette expérience ne démontre pas, comme le croit M. Mosso, que ce soit le cerveau seul qui augmente de poids (Sensation et mouvement, p. 102 et suivantes).
  2. Alibert, Physiologie des passions. 3e éd., t.  I, p. 157, 158.
  3. Mosso, la Peur (Bibl. de phil. contemp.). 1886.