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CH. FÉRÉ.conditions physiologiques des émotions

graphe ; nous voyons l’impulsion cardiaque augmenter ou diminuer comme l’impulsion artérielle.

Les changements vasculaires qui accompagnent les émotions se traduisent non seulement par des variations de volume des membres, mais encore par des modifications importantes et appréciables à simple vue, de la circulation de l’orbite dans les émotions agréables ou sthéniques on observe une projection du globe de l’œil, tandis qu’il se produit au contraire une rétraction dans les émotions pénibles. Cette condition physiologique est particulièrement intéressante, car la projection et la rétraction de l’œil résultent de modifications de la circulation de l’artère ophthalmique, dont l’origine commune avec les plus importantes artères du cerveau est située dans le crâne, de sorte qu’elle peut servir de témoin de l’état de la circulation encéphalique.

On pourrait croire que c’est le cœur qui dans tous ces phénomènes domine la situation, en modifiant l’afflux sanguin à la périphérie et par suite la sensibilité et la motilité. Cependant quelques faits semblent indiquer que l’organe central de la circulation n’est pas le seul à jouer un rôle dans ces modifications dynamiques. Nous avons vu en effet[1] que les excitations unilatérales ont une action initiale et prédominante sur les phénomènes vasculaires et dynamiques du même côté. Il est donc à présumer que l’innervation du cœur n’est pas la seule qui entre en jeu, mais que le sympathique et les vaso-moteurs ont leur part dans ce complexus phénoménal. Nous rappellerons à ce propos que chez les animaux, la section du sympathique produit des effets que l’on peut rapprocher de ceux que nous avons déterminés chez l’homme par des excitations périphériques. Cl. Bernard a vu qu’à la suite de la section du sympathique au cou, l’oreille devient plus chaude, plus sensible, les réactions, soit réflexes, soit volontaires, produites par le pincement, sont plus marquées de ce côté ; et M. Brown-Séquard a vu que dans cette circonstance la température du cerveau augmente en même temps que celle des parties périphériques[2] ; et, fait qui n’est pas sans intérêt, le même auteur a observé que, chez le lapin, la suspension la tête en bas, c’est-à-dire la congestion mécanique et artificielle, produit les mêmes effets que la section du grand sympathique[3].

J’ai eu occasion déjà de signaler les réactions motrices, les mouvements involontaires qui se produisent dans les muscles des membres sous l’influence des excitations périphériques portant sur

  1. Sensation et mouvement, passim.
  2. Bull. Soc. biol. 1853, p. 94.
  3. C. R. Ac. des sciences. 1854, t.  XXXVIII, p. 117.