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CH. FÉRÉ.conditions physiologiques des émotions

sont difficiles et lents ; plusieurs ont remarqué que leurs pieds et leurs mains ont diminué de volume et que leurs bagues tombent de leurs doigts. Chez quelques-uns de ces sujets, la pression dynamométrique est à peu près nulle dans l’obscurité[1].

On pourrait peut-être rapprocher de ces faits d’inactivité par défaut d’excitation les cas singuliers des paralysies se produisant par accès nocturnes (night palsy), ęt signalés, depuis le travail de M. Orinerod[2], par plusieurs auteurs (Saundby, Steavenson, Weir Mitchell, Sinkler, etc.).

Nous avons déjà signalé que les excitations, excessives, douloureuses, déterminent des effets dynamiques et circulatoires dépressifs. La clinique peut apporter des faits à l’appui de nos résultats expérimentaux. Alibert, Schedel, Cazenave, Biett, Rayer, etc., ont cité des exemples d’affections cutanées en conséquence d’un choc moral ; mais une observation de M. Leloir se rapporte mieux à notre sujet et est plus précise : cet auteur a vu un cas de syncope locale des doigts qui se produisait chez une femme nerveuse sous l’influence de scarifications cutanées, et durait environ un quart d’heure après l’opération[3].

Nous aurons à revenir bientôt sur les changements des muscles qui se produisent dans les mêmes circonstances que les modifications fonctionnelles que nous venons de rappeler.

Nous n’insisterons pas de nouveau sur l’intensité variable des réactions qu’un même sujet peut présenter aux excitations d’un même sens suivant la qualité de l’excitant ; nous rappellerons seulement que les effets des excitations lumineuses et sonores en particulier paraissent se prêter à l’édification d’une théorie générale. Quelques-uns des effets des excitations périphériques que nous avons étudiés avaient déjà été signalés plus ou moins clairement ; on a même vu que des excitations qui paraissent ne devoir affecter que les sens spéciaux peuvent déterminer des réactions sur des organismes dépourvus de système nerveux ; c’est ainsi par exemple qu’Auerbach a observé que la lumière du jour provoque des contractions du protoplasme de l’œuf de la grenouille, que sir John Lubbock a vu les fourmis montrer une préférence marquée pour le rouge, etc. Nos observations se distinguent pourtant en ce qu’elles ont été faites sur l’homme, sans vivisection, dans des conditions telles que l’on

  1. Binet et Féré, Rech. expérim. sur la physiologie des mouvements chez les hystériques (Arch. de phys. norm. et path., octobre 1887).
  2. Ormerod, On a peculior numbness and paresis of the hand (St Bartholomew’s hospital reports, 1883, t.  XIX, p. 17).
  3. Lévêque, Contribution à l’étude des dermatoses d’origine nerveuse, th. de Lille. 1887, p. 27.