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Il faut remarquer d’ailleurs que les représentations mentales ne sont que le résultat d’un rappel de sensation, et les modifications dynamiques qui les accompagnent consistent en réalité en transformations de mouvement consécutives à des excitations extérieures.

Nous avons vu qu’en conséquence des excitations périphériques il se produit une exagération de l’énergie disponible qui se manifeste sous la forme d’une décharge plus ou moins rapide suivant l’intensité et la brusquerie de l’excitation.

Les excitations sensitives et sensorielles produisent une augmentation très manifeste dans certaines circonstances, de l’intensité, de la durée, et du pouvoir de répétition de l’effort, une exagération des mouvements réflexes en même temps qu’une exagération de la sensibilité et de la circulation dans les membres.

Le fait que toutes les fonctions s’exaspèrent sous l’influence des excitations sensorielles correspond à l’observation de M. Schiff[1] qui a vu que les excitations périphériques, même portant sur un seul côté du corps, déterminent un échauffement dans les deux hémisphères cérébraux.

L’absence d’excitation au contraire atténue les phénomènes vitaux en général la force musculaire diminue en même temps que la sensibilité, et cette atténuation fonctionnelle correspond à une diminution de la quantité de sang dans les membres. Beaucoup d’animaux dorment quand on les place dans l’obscurité et le silence : certains individus peu cultivés, manquant de représentations mentales, s’endorment aussi dès qu’ils sont au repos. Le sommeil peut d’ailleurs être produit expérimentalement par la suppression des excitations Strümpell rapporte l’histoire d’une jeune fille de dix ans, affectée d’une anesthésie générale de la peau et des muqueuses, du sens musculaire, de l’odorat, du goût, et qui n’avait de communication avec le monde extérieur que par l’œil droit et l’oreille gauche ; si l’on bouchait ces deux organes, elle s’endormait[2]. L’histoire de l’hypnotisme contient un grand nombre de faits du même genre.

Ces phénomènes d’excitation et d’affaiblissement des fonctions en rapport avec la présence ou l’absence d’excitants se montre surtout chez certains sujets et en particulier chez les hystériques : on les voit souvent au réveil éprouver une sensation pénible de fatigue, quelquefois une tendance aux lipothymies ; alors aussi leurs mouvements

  1. Schiff, Rech. sur l’échauffement des centres nerveux à la suite des excit. sensitives et sensorielles (Arch. de phys. norm. et path. 1870, t.  III, p. 333)
  2. M. Duval. Art. Sommeil (Dict. de méd. et de chir. pratiques).