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CH. FÉRÉ.conditions physiologiques des émotions

de température et une contraction musculaire (Schiff) ; quand l’épuisement arrive, il ne se produit plus ni chaleur ni contraction. La vitesse de la transmission de l’action nerveuse diminue dans les nerfs moteurs sous l’influence de la fatigue et surtout du froid (Marey) ; il en est de même dans les nerfs sensibles (Bloch, Richet) ; la chaleur produit un effet inverse (Afanasief), pourvu que la température ne dépasse pas 42° à 45°. Nous avons pu constater, chez plusieurs sujets, la diminution de la sensibilité sous l’influence de la fatigue physique, et la diminution de la sensibilité et de la contractilité volontaire coïncidant avec la diminution de volume des membres à la suite de calculs compliqués chez des sujets peu habitués à cet exercice. « La méditation affaiblit comme feraient des évacuations excessives, » disait Tissot[1]. Nous avons vu en outre que certaines hystériques recouvrent leur sensibilité et leur puissance motrice par l’échauffement artificiel.

La contraction, phénomène de nutrition du muscle, ne peut se produire sans une exaltation de la circulation locale qui détermine en même temps une augmentation de la sensibilité ; c’est là un fait général qui peut trouver son application en clinique. M. Lallemant rapporte un fait de spasme des doigts avec sensation de brûlure limitée à cette partie ; quand la sensation de la chaleur diminuait par l’immersion dans l’eau froide, la crampe diminuait aussi[2].

Broca a constaté qu’en moyenne la température est, à l’état de repos, plus élevée du côté gauche de la tête d’un dixième de degré environ. Sous l’influence du travail intellectuel, l’équilibre tend à s’établir des deux côtés. Nous avons vu de notre côté que, sous l’influence du travail intellectuel, l’équilibre tend à s’établir entre la force musculaire des deux côtés du corps, avec une augmentation variable. Sous l’influence de la fatigue psychique, il y a une diminution de la force musculaire, mais aussi avec une tendance à l’équilibre des deux côtés.

Ces faits peuvent servir à expliquer l’effet mécanique de l’attention, de la représentation préalable du mouvement : l’effort préparé l’emporte toujours de beaucoup sur l’effort au commandement. D’une manière générale l’intensité des représentations mentales a une influence manifeste sur l’état des forces. C’est ainsi que nous voyons l’énergie de l’effort musculaire varier suivant l’intensité de l’activité intellectuelle chez le même individu, et dans les races, suivant le développement de l’intelligence.

  1. Tissot, De la santé des gens de lettres. 1784, p. 43.
  2. Lallemant, De la crampe des écrivains. 1887, p. 17.