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revue des périodiques

La ressemblance et la différence sont remarquées à mesure que se développent le système nerveux et les sens objectifs. La faculté de former des concepts se montre dans les animaux pourvus de simples ganglions. La formation des concepts conduit à l’unité de conscience, à la classification et à des jugements d’équipollence entre les objets. Le caractère spécifique de l’homme est la capacité de substituer, très faible chez les animaux qui ont très peu de fibres transversales, auxquelles Beale attribuait la logique. Pour que je pense le 2, il ne suffit pas que je note la ressemblance entre deux objets, ou que je les classifie : il faut que je puisse substituer immédiatement quelques-uns de leurs caractères. Il faut que j’établisse entre les images de mes cellules grises un rapide courant, qui permette de porter l’une dans l’autre et de les sentir en même temps dans le point inétendu de l’unité de conscience. Pour arriver à la substitution, il faut que la logique de la figuration (esquissée dans le volume III, 1886) devienne plus délicate et plus raffinée, et arrive à circonscrire en un instant une quantité semblable en deux ou plusieurs images des cellules grises et à les subroger entre elles. C’est comme un réseau de fils très subtils qui saisit et embrasse certaines formes, couleurs, certains sons, reliefs ou mouvements, et néglige les autres. Alors seulement se présente à l’unité de conscience le multiple comme nombre conceptuel (que Pythagore appelait le nombrable ou le nombre, pour le distinguer du nombrant ou nombre réel).

Le développement du nombre conceptuel marche avec celui de la faculté symbolique et du langage. L’évolution du langage est étudiée en cinq chapitres sur les téléphones cérébraux des mots », « les photographies cérébrales des écrits », et sur l’origine, l’évolution et le perfectionnement du symbole et du langage au point de vue du nombre réel.

En faisant le nombre conceptuel, l’homme n’invente et ne crée rien : il dessine seulement le schématisme de la nature et de lui-même. Les plus simples opérations arithmétiques expriment les deux lois fondamentales de l’évolution : la concentration et l’association (addition et multiplication) et la différenciation et division du travail (soustraction et division).

La lutte de la nature ne se fait pas par les contradictions des concepts, comme dans le panlogisme hégélien, mais par un entrelacement de proportions numériques senties, avec effort pour augmenter le plaisir et éviter la douleur. Tous les individus cherchent le plaisir, c’est-à-dire l’harmonie. La conversion des forces dans l’unité de conscience se fait toujours en mesurant avec le nombre réel (et non avec le conceptuel), temps, espace et mouvement. La série numérique des systèmes qui font monter l’individuation de l’atome jusqu’à l’homme est toujours réalisée par le désir d’harmonie, et toujours d’harmonies plus hautes.

II. — L’évolution anticlericale allemande dans le progressif obscurcissement de l’idée de Dieu et dans la critique du mosaïsme.

III. L’évolution mal entendue et sa négation ; Bonatelli, Zanella