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ANALYSES.a. riehl. Criticisme philosophique.

Nécessité et finalité sont les deux derniers termes de la métaphysique. M. Riehl (chap. v) refuse de considérer le concept de nécessité comme objectif, celui de finalité comme subjectif. Rien de nécessaire dans les choses, dit-il, sans rapport à l’entendement ; rien de final sans rapport à la volonté. But et moyen sont des concepts relatifs, comme fin et commencement. La direction est donnée avec le mouvement. On dit but et moyen, pas autrement qu’on ne dit cause et effet.

Le mécanisme ne signifie pas l’essence des effets, mais leur mode d’action ; et dès lors, il n’est pas impossible que la vie et la sensation soient soumises au mécanisme. Dans une machine, l’effet est résultat, il n’est pas principe d’arrangement des parties. On ne peut parler de but et de fin que dans les cas où l’idée de l’effet a dirigé la construction. Or, le progrès, chez les organismes vivants, n’est pas venu de la finalité, au sens téléologique ; la finalité n’est pas le principe des êtres organisés, elle en est le problème. On a trop oublié que la doctrine de la sélection n’a pas pour tâche d’expliquer l’origine de la vie, mais la descendance des espèces, qui suppose la vie.

En résumé chaque être conscient se posant lui-même pour fin (Endzweck) et le devant faire, aucun d’eux ne peut être fin véritablement ; la relativité de toutes ces fins est évidente. Dans la nature, tout moyen est fin en même temps, et par conséquent il n’est en elle ni moyen ni fin.

Quant à l’existence de l’esprit, la science ne saurait la nier, puisqu’elle est une création de l’esprit. Mais elle n’en peut rien connaître, et c’est pourquoi il ne lui convient pas de prendre la position du matérialisme ; elle garde celle du criticisme.

Lucien Arréat.