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ANALYSES.a. riehl. Criticisme philosophique.

Fondez donc sur le darwinisme la loi de causalité ! « Quand un animal, écrit M. Riehl, devine à certains signes l’approche de son ennemi, cette activité comme instinctive de son entendement n’a qu’une parenté très éloignée avec l’opération intellectuelle du physicien qui provoque lui-même le phénomène qu’il veut expliquer, et en modifie artificiellement les circonstances afin de le mieux connaître. Entre ces deux degrés de l’expérience est tout le travail précédent de la pensée humaine, consciente de soi. Comment parler ici d’une continuité de développement, quand un changement de direction s’y manifeste plutôt ? »

M. Riehl aborde ensuite les problèmes métaphysiques, et d’abord celui de la réalité du monde extérieur (ch.  i de la 2e section). Il prend parti, et contre l’idéalisme du phénomène, et contre l’idéalisme de l’être, ou ontologique. Il invoque, en faveur du réalisme, la qualité réelle de la perception, du phénomène, en regard de l’image. Il en appelle à la vie sociale pour prouver la continuité d’existence de l’objet, continuité qui est un fait d’expérience, et nécessaire à l’expérience, tandis que la réalité est nécessaire seulement à la perception individuelle. L’existence, enfin, des sentiments altruistes lui paraît prouver suffisamment que « nous ne sommes pas seuls. »

Une antinomie se déclare pourtant, dans le domaine physiologique, entre le phénomène psychique et le procès matériel. On ne peut tirer la conscience des procès matériels qui sont ses phénomènes, et la conscience, d’autre part, est impuissante à agir sur ces procès matériellement. Antinomie qui n’est pas dans les faits, pense M. Riehl, mais dans la connaissance. Il accepterait, pour la lever, l’hypothèse d’une activité qualitative dans la nature, activité dont nous posséderions seulement les signes dans les changements quantitatifs. Ce serait un monisme critique, non pas un « panpsychisme ». La conscience ne résulterait pas, selon ce monisme, d’effets mécaniques ; mais ces effets se distingueraient dans notre perception. La conscience et la volonté procéderaient de l’action qualitative des choses dont l’expression abstraite et quantitative serait le mécanisme. Les procès nerveux, objets pour ma conscience, mouvements pour l’observateur placé en dehors, seraient des procès d’une forme inconnue, dont les effets seuls nous sont connus (ch.  ii).

Et maintenant, comment entendre la volonté ? M. Riehl a des pages remarquables sur le déterminisme et la liberté pratique (ch.  iii).

Il montre que les tendances (Neigungen, Fähigkeiten) sont la source du vouloir. L’effort et le vouloir sont inséparables. À la conscience de « faire » est liée la conscience de la causalité de l’action, et c’est pourquoi les causes du vouloir nous demeurent cachées. Mais l’ignorance de ces causes n’en prouve pas l’absence, ni la liberté de toute contrainte intérieure n’est une preuve que le vouloir soit indépendant des lois causales. Pour la conscience, la volonté apparaît libre nécessairement ; il n’en est plus de même quand on regarde au commerce