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ANALYSES.a. riehl. Criticisme philosophique.

tère, résiste à l’influence de la culture, esthétique ou scientifique, lorsqu’elle lui est contraire, mais il en profite lorsqu’elle s’exerce dans dans le même sens que ses inclinations naturelles. » Ne pourrait-on pas conclure de là que l’une des grandes préoccupations de l’éducateur doit être d’offrir à son élève l’aliment esthétique le plus en rapport avec ses instincts et ses aptitudes bien connus ? Quant à la mauvaise influence de certaines œuvres esthétiques ou littéraires sur le développement du caractère, M. Martin nous donne encore l’exemple d’une appréciation moyenne entre l’optimisme et le pessimisme. Il dit et plusieurs penseront comme lui : « La mauvaise littérature peut faire beaucoup plus de mal que la bonne ne peut faire de bien. » Il y a là quelques pages bien senties, que tous les parents instruits devraient lire.

Terminons par une citation qui indiquera fort bien le point de vue élevé auquel M. Martin s’est placé pour traiter de l’éducation. L’idéal pratique de l’éducation doit être de développer dans l’enfant l’énergie morale. Or rien n’est mortel pour l’énergie comme le sentiment de notre faiblesse, sinon de notre impuissance, en présence des forces qui pèsent sur nous. On ne peut pas tout ce qu’on veut ; mais le meilleur moyen de ne pas vouloir tout ce qu’on peut, de se laisser aller à la mollesse et à l’inertie, c’est de considérer les difficultés et les obstacles de préférence aux ressources dont on dispose pour les surmonter. Loin de nous ces pensées énervantes, où se complaît l’esprit moderne, sur la vanité de l’effort humain, sur les duperies dont la nature nous rend victimes, nous, ses jouets, qui avons la naïveté de nous croire libres ! Ne nous lassons pas au contraire de répéter devant les enfants les affirmations encourageantes, comme celle-ci, de Rousseau : « C’est la seule tiédeur de notre volonté qui fait notre faiblesse, et l’on est toujours fort pour faire ce qu’on veut fortement. »

Certes, notre manière d’entendre la liberté, un peu différente de celle de M. A, Martin, ne nous empêche pas de souscrire à cette ferme conclusion.

Bernard Perez.

A. Riehl. — Der Philosophische Kriticismus und seine Bedeutung für die positive wissenschaft. (Le criticisme philosophique et sa portée pour la science positive, vol.  II, 2me partie (théorie de la science et métaphysique). Leipzig, Engelmann, 1887. xi-358 p. in-8o[1].

L’ouvrage de M. Riehl est de valeur. L’honorable professeur de l’Université de Fribourg-en-Brisgau relève de Kant ; mais il n’est pas de ces philosophes, trop nombreux en Allemagne, qui perdent leur temps à ergoter sur les phrases du maître, et la lecture de son ouvrage ne sera

  1. Le vol.  I de l’ouvrage a pour sous-titre : Histoire et méthode du criticisme philosophique. La 1re partie du vol.  II traite des Éléments sensibles et logiques de la connaissance. Ces volumes ont été publiés en 1876 et en 1879.