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ANALYSES.p. vallet. Kantisme et positivisme.

De cette recherche des lois de l’apparition des phénomènes affectifs simples et composés, M. Paulhan tire certaines conclusions intéressantes. Les faits sensibles sont le signe d’un trouble violent de l’organisme, d’un mauvais état de la machine devenue incapable d’associer ou de dissocier les éléments dont elle a besoin pour former ou compléter une tendance. Cette théorie, nous dit-on, paraît en contradiction avec les opinions généralement reçues ; on est accoutumé à regarder la sensibilité comme une faculté précieuse indiquant un haut degré de développement de la personnalité. Il faudrait renoncer à cette manière de voir. Peut-être cependant, depuis Aristote et Spinoza, n’y a-t-il pas grande hardiesse à regarder au moins la douleur et la passion comme les signes d’un trouble profond ; la vraie surprise serait de voir ramener à la même cause le plaisir et la joie, et nous ne voyons pas que la démonstration en ait été sérieusement tentée. On nous accorde que des caractères qui seraient des défauts par rapport à un état de développement très avancé sont des qualités par rapport à l’état actuel de l’homme. La sensibilité est de ce nombre ; elle est quelquefois le signe de l’organisation commençante d’une tendance supérieure, mais elle est ou jours en ce cas la preuve que cette tendance supérieure n’est pas complètement organisée. À la doctrine générale que nous venons de résumer s’ajoutent de nombreuses analyses et théories particulières sur lesquelles nous avons dû glisser, mais qui contribuent pour leur part à rendre l’ouvrage très nourri de M. Paulhan digne de toute l’attention des amis de la psychologie expérimentale.

Edmond Colsenet.

P. Vallet. Le kantisme et le positivisme. Étude sur les fondements de la connaissance humaine (XI 442 pages). Paris, Jouby et Roger, 1887.

J’ai abordé avec le plus vif intérêt la lecture du livre de M. l’abbé Vallet on m’en avait dit du bien, et j’étais curieux d’apprendre, sur la foi d’un de ses représentants les plus autorisés aujourd’hui, comment la philosophie de saint Thomas, si habile autrefois à s’assimiler les principales doctrines d’Aristote, se comportait entre le positivisme et le kantisme. À la vérité, je m’en doutais un peu.

« La science des premiers principes et de l’esprit, la philosophie, n’a point suivi la même marche ascendante (que les sciences proprement dites). Peut-être les Écossais ont-ils fait faire quelques progrès à la partie descriptive de la psychologie ; peut-être a-t-on, dans les temps modernes, appelé davantage l’attention sur certains phénomènes de l’âme et les conditions physiologiques qui les accompagnent ; peut-être encore les connaissances nouvelles obtenues sur les propriétés de la matière seront-elles de quelque secours pour la cosmologie ; mais par contre, que de lacunes, que d’erreurs dans la logique, l’anthropologie,