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leurs n’est jamais réalisée par la conscience sans l’intervention du système nerveux qui seul a un rôle essentiel dans les processus d’adaptation. L’auteur toutefois tient à distinguer sur ce point sa propre doctrine de celle de MM. Maudsley et Ribot : « J’admets, dit-il, contre les partisans d’un automatisme trop simple, qu’un processus purement physiologique et un processus psychologique ne sont pas équivalents au point de vue mental, mais j’admets aussi que la différence entre les deux processus est due non à ce que l’un s’accompagne de la conscience, mais à ces différences physiologiques qui les séparent, la conscience étant un simple signe de ces différences » (p. 13). Toutefois on aurait tort de conclure de ce qui précède que les phénomènes de conscience n’aient qu’une importance médiocre dans l’étude de la psychologie. Les processus physiologiques qui leur correspondent sont difficilement accessibles à l’observation, et c’est par ces phénomènes psychiques parallèles que nous pourrons être renseignés sur leur direction, leur intensité, leurs associations ; c’est encore le cerveau que nous étudierons en étudiant les faits de conscience, semblables aux sourds-muets qui peuvent deviner par les mouvements des lèvres les paroles qu’ils n’entendent pas. Ces considérations permettent d’être plus hardi dans l’interprétation des phénomènes que les données de la physiologie nerveuse ne nous y autoriseraient ; mais M. Paulhan ne pense pas que le procédé dépasse les limites de l’hypothèse légitime.

Chap. I. — La loi générale de production des phénomènes affectifs. Cette loi, nous l’atteindrons par la double méthode de l’analyse et de la synthèse : 1o Quelles sont les conditions qui, disparaissant tandis que les autres demeurent les mêmes, amènent la disparition du phénomène affectif ? 2o Inversement, quel changement dans les antécédents amène la substitution d’un phénomène affectif à un autre phénomène ? Le premier fait essentiel qui frappe tout d’abord dans les cas observés, c’est l’arrêt des tendances. Un jeune homme timide à la première visite qui l’émeut sent s’arrêter en lui les tendances à la parole, au mouvement, aux actes même instinctifs. Fixons d’abord le sens des mots tendance et arrêt. Chaque partie de l’homme physique et moral tend à s’organiser en système ; nous appelons tendance la première partie des éléments d’un de ces systèmes considérés au point de vue du temps ; de l’arrêt naît le phénomène affectif. « En d’autres termes, par une tendance arrêtée, j’entends une action réflexe plus ou moins compliquée qui ne peut aboutir au terme vers lequel elle aboutirait si l’organisation des phénomènes était complète, s’il y avait harmonie entre le système et ses conditions d’existence. » Il semble peut-être que les émotions agréables ne se ramènent pas à la même loi, et cependant si l’on y réfléchit, on voit qu’il n’en est rien. Il nous est agréable de marcher après un long repos, mais seulement au début et tant qu’il y a effort ; bientôt après le mouvement devient facile et le plaisir est remplacé par l’indifférence de l’automatisme. C’est qu’au début la force psychique accumulée est trop considérable pour que la dépense soit égale à l’im-