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ANALYSES.paulhan. Les phénomènes affectifs.

même désir d’appuyer la théorie sur l’expérience et de n’expliquer les faits de conscience que par leurs causes organiques. Nous sommes loin des descriptions vagues que l’on a prodiguées sur les sentiments, les tendances et les passions. Le sujet est serré de près, traité avec toutes les ressources d’une érudition très sûre et cependant sans aridité ni sécheresse. Des vues ingénieuses et justes, un grand nombre de faits heureusement choisis, finement analysés et souvent interprétés avec une réelle pénétration d’esprit donnent à l’ouvrage un très vif intérêt pour ceux mêmes qui seront tentés de refuser le mérite de la nouveauté à la loi générale et dernière que l’auteur a dégagée de ses observations.

Les phénomènes affectifs ont été moins étudiés par la psychologie nouvelle que les faits intellectuels, et cependant eux aussi sont soumis à des conditions et à des lois. « Je rechercherai d’abord les conditions et les caracteres généraux de ces phénomènes, ensuite les modifications particulières de ces conditions générales qui donnent naissance à chacun des principaux groupes de phénomènes affectifs, enfin les lois de l’apparition des phénomènes affectifs composés, c’est-à-dire les rapports des phénomènes affectifs avec les éléments, affectifs ou non, qui leur donnent naissance. » Mais comme ces lois doivent être rapportées à la psychologie générale, il est utile d’établir les principes psychologiques qui serviront de base à cette étude. Tel est l’objet d’une importante introduction. L’homme est un ensemble d’organes reliés par le système nerveux ; son unité vient de la systématisation de ces organes. Il peut être considéré comme un ensemble imparfaitement organisé de systèmes organico-psychiques. Ces systèmes s’entre-croisent, s’associent et se démembrent ; le même élément peut ainsi figurer dans plusieurs systèmes différents comme la même lettre de l’alphabet dans divers mots. Mais l’homme est plus encore, il est un système systématisant ; l’harmonie qui existe en lui, il l’étend dans le monde, auquel il la doit d’ailleurs, au moins en partie, en faisant converger vers un même but des objets naturels qui sans lui resteraient isolés. C’est ainsi qu’il prend à la terre le fer et le charbon, aux arbres le bois ou les fruits, aux animaux leur chair. L’intermédiaire est le système nerveux qui établit, comme l’a montré Spencer, l’adaptation de l’homme au milieu ; ajoutons qu’il sert peut-être autant à adapter le milieu à l’homme. Les impressions reçues provoquent des réactions diverses qui toutes se ramènent au type de l’action réflexe dans le sens le plus large du mot, et seules sont compatibles avec le déterminisme universel des phénomènes. Si M. Paulhan n’a parlé jusqu’à présent que du système nerveux, c’est qu’à ses yeux la conscience n’est nullement un antécédent nécessaire des phénomènes dont le groupement révèle une sorte d’unité. Cette unité ne s’établit-elle pas très bien sans elle dans la vie végétative et même dans les actions réflexes de la moelle épinière ? De ce que dans certains cas l’idée d’un fait complexe est une condition de ce fait, est-on en droit de conclure qu’il n’en peut être autrement ? La finalité d’ail-