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indépendante des organes et la tendance organique puissent s’opposer l’une à l’autre au point de vue de l’universalité.

L’auteur s’attache ensuite à prouver la réalité du libre arbitre. M. Fonsegrive n’accepte pas la preuve ordinaire de l’existence du libre arbitre par la conscience que nous en aurions. Ce n’est pas à dire toutefois que la conscience n’ait pas, à son avis, un rôle important pour la constatation du libre arbitre ; mais ce rôle, elle le remplit avec l’aide de la raison. « L’expérience nous donne les impulsions sensibles et l’attrait du bien intelligible ; la raison nous prouve que l’idée universelle du bien est indépendante des organes. L’expérience nous donne une indétermination entre le bien sensible et le bien intelligible ; la raison nous montre qu’une telle indétermination ne peut exister qu’en l’âme, qui, seule, peut concevoir le bien intelligible. L’expérience nous donne encore la rupture de l’indétermination avec ses diverses circonstances ; la raison montre alors que cette rupture doit avoir une cause. Mais l’expérience établit des différences formelles entre les ruptures qui viennent en nous sans nous et celles qui sortent de notre fonds. La raison conclut donc que la cause qui a rompu l’indétermination est ce même être, cette même activité hyper-organique qui se trouvait indéterminée. Nous tenons donc l’indéterminé qui se détermine, c’est-à-dire : la liberté. » Cette preuve du libre arbitre se rattache logiquement à la conception que l’auteur s’est faite de l’activité, et la preuve n’a pas plus de valeur que cette conception. À vrai dire, elle n’en est guère qu’une reproduction. L’auteur termine son chapitre par des critiques du déterminisme. Il repousse l’argument paresseux, mais a recours à un autre argument, l’argument du pari, qu’il développe et qu’il présente ainsi : « Si, en effet, le pari était formulé en ces termes : Le partisan du libre arbitre joue quitte ou double qu’il prendra toujours une décision contraire à celle qui lui sera indiquée, aucun déterministe n’accepterait le pari. Il devrait cependant l’accepter, s’il était logique. En effet, les causes déterminantes de l’avenir lui sont inconnues comme au partisan du libre arbitre. Il sait seulement que l’esprit de contradiction et le désir du gain influent sur la décision, mais il ne connaît que cette cause ; il est possible, probable même que d’autres causes agissent en sens contraire, et dès lors il doit arriver un moment où ces causes l’emporteront sur celles que nous connaissons… Cependant il n’y a pas un déterministe qui acceptât ce pari, alors même qu’il serait assuré de l’entière bonne foi de son partenaire. La conclusion que nous en tirons, c’est que, malgré eux, les déterministes conservent au fond d’eux-mêmes, vivante et tenace, la croyance au libre arbitre… » On a beaucoup répété en effet que les déterministes ne pourraient pratiquer leur doctrine, on l’a prouvé fort peu, car on a généralement mis en avant des arguments qui supposaient que le déterminisme est toute autre chose que ce qu’il est en réalité. Les logiciens même qui définissent avec le plus de soin le libre arbitre et le déterminisme se laissent facilement aller à considérer le déterminisme, une fois qu’ils en ont donné la définition et qu’ils en