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la conscience humaine qui dépasse les images et les tendances motrices ; or se poser cette question, c’est en réalité se demander si l’intelligence, si la raison tout entière peut s’expliquer par des sensations et des images purement sensibles, c’est se poser la vieille, l’inévitable question de l’origine des idées. Nous voudrions donc nous demander simplement… si toutes les idées d’une intelligence humaine adulte peuvent s’expliquer uniquement par les apports tout extérieurs de l’imagination et des sens. » M. Fonsegrive aborde alors la question des images générales et des idées générales. Il y a dans l’esprit de l’homme, conclut-il, des idées qui sont indépendantes des images qui leur servent de véhicule et de support ; elles ne peuvent se passer d’une image, et nous ne pouvons penser sans représentation, comme le disait déjà Aristote ; mais, loin d’être inféodées à l’image et d’en provenir uniquement, elles sont plus vastes qu’elle et peuvent élever indifféremment au rang de substitut de la pensée quelque image que ce soit… Il y a donc dans l’esprit autre chose que le singulier : il y a aussi ce que l’on nommait autrefois l’universel ; cet universel ne vient ni des sensations ni des images, toujours singularisées par des accidents qui, étrangers à l’essence de l’idée, ne peuvent que l’altérer et la rétrécir. On ne peut donc pas assimiler l’idée à l’image, et toutes les profondes distinctions établies par Descartes à la suite des scolastiques entre l’entendement et l’imagination doivent être rétablies. » Mais, pour l’auteur, la représentation de l’universel ne peut se former que s’il y a dans l’esprit une activité propre qui la dégage des accidents singuliers. Si le jeu passif des images peut former des images de plus en plus étendues, de moins en moins singulières, il est impuissant à former des représentations véritablement universelles. On voit toutes les objections que ces idées peuvent soulever. D’abord il n’est pas exact que le jeu passif des images puisse former des images générales ; on ne peut même se représenter le « jeu passif des images », l’esprit intervient partout, dans la formation de la moindre sensation ; mais il ne paraît pas intervenir autrement pour fournir les idées abstraites et générales que d’ailleurs la psychologie expérimentale a beaucoup trop négligées. Les mêmes procédés généraux me paraissent s’appliquer à la détermination de tous les phénomènes psychiques, mais je n’insiste pas sur ce point, qui ne tient pas très étroitement au sujet. Ayant tâché d’établir l’existence d’idées universelles, M. Fonsegrive recherche si nous avons des idées universelles pratiques : « Quand nous agissons, quand nous nous déterminons, n’agissons-nous jamais, comme le soutient l’empirisme, que d’après des tendances singulières, ou avons-nous parfois comme rôle et loi de nos actes des tendances universelles ? » Et il arrive à cette conclusion que, parmi les représentations universelles, il y en a qui peuvent n’avoir que peu ou point d’influence sur les décisions. « Mais il y en a une qui peut et doit avoir une influence importante : c’est la représentation universelle du bien. »

Avec cette présentation du bien nous entrons déjà dans un domaine