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ANALYSES.g. fonsegrive. Le libre arbitre.

action libre le synonyme d’action indépendante. Nous déduisons seulement de l’indépendance l’imprévisibilité — qu’on nous pardonne ce mot barbare qui y est contenue. »

Ayant ainsi posé la question, M. Fonsegrive aborde la critique ; il examine d’abord les arguments en faveur de la nécessité qu’il divise en trois parties, les arguments scientifiques (la statistique, la philosophie de l’histoire, la loi de conservation de la matière et de l’énergie), les arguments psychologiques (la volonté conflit de désirs, les motifs et la volonté, etc.) et les arguments métaphysiques (la prescience divine, la providence, le principe de raison suffisante, etc.) ; puis viennent la critique de l’idée de nécessité, la critique de l’idée de liberté, et enfin la critique de quelques arguments en faveur du libre arbitre que M. Fonsegrive croit devoir rejeter : de ce nombre est la théorie qui fait du libre arbitre une nécessité pour la science.

L’auteur aborde ensuite la thèse même ; enfin, dans son dernier livre, il examine les conséquences du libre arbitre, qu’il divise en conséquences métaphysiques, conséquences scientifiques, conséquences morales, conséquences sociales[1] et conséquences esthétiques. Nous reviendrons plus tard sur les conséquences du libre arbitre, ainsi que sur les critiques diverses de M. Fonsegrive, au moins examinerons-nous avec attention quelques points particuliers ; occupons-nous d’abord de la façon dont l’auteur tâche d’établir la réalité du libre arbitre.

Sous le titre de « matériel de la volonté », l’auteur étudie d’abord le « jeu des tendances et des désirs » et fait, d’après les travaux psychologiques contemporains, le tableau de la volonté déterminée, des volitions telles que les a comprises, par exemple, M. Ribot.

« Cette conclusion, dit-il après avoir cité les opinions de M. Ribot, n’est autre, sous une forme plus savante, que celle de l’ancienne psychologie empirique : la lutte des désirs constitue les hésitations de l’agent ; le désir qui l’emporte est le plus fort ; le plus fort et dernier désir se nomme volonté. Ainsi concluaient Hobbes, Locke, Spinoza, Helvétius. La Mettrie. La volonté est un effet sans être une cause.

« Nous n’hésitons pas à dire que nous adoptons ces conclusions et que nous les prenons à notre compte. Nous nous contenterons seulement d’y apporter une restriction. Il est vrai qu’elle est importante. Là où la psychologie ancienne ou nouvelle dit : toujours, nous nous contenterons de dire : la plupart du temps. Cette restriction à elle seule suffit en effet à sauver la liberté… »

Mais le matériel de la volonté comprend autre chose pour l’auteur que le jeu des tendances. « Nous nous demandons maintenant si la volonté humaine tout entière se réduit à ce mécanisme ou si la conscience nous découvre l’existence de quelque chose de supérieur. Pour cela, nous devons nous demander d’abord s’il y a quelque chose dans

  1. Les lecteurs de la Revue philosophique connaissent déjà ce chapitre, publié dans la Revue d’avril 1887.