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mot tous les débilités sont incapables d’attention, parce qu’elle exige, comme toute autre forme de travail, un capital de réserve qui puisse être dépensé. Dans le passage de l’état de distraction à l’état d’attention, il y a donc transformation de force de tension en force vive, d’énergie potentielle en énergie actuelle. Or, c’est là un moment initial très différent du moment de l’effort senti qui est un effet. Je fais cette remarque en passant, sans insister. L’examen de cette question ne pourra être tenté utilement qu’après avoir parcouru l’ensemble de notre sujet.

IV

Les recherches expérimentales sur l’attention volontaire ont confirmé et précisé certaines conclusions qui ressortaient d’ailleurs naturellement d’une compréhension exacte du sujet. Ces recherches sont directes ou indirectes, suivant qu’elles étudient l’attention en elle-même, dans ses variations individuelles, à l’état normal et morbide, ou suivant qu’elles l’étudient comme le moyen, l’instrument d’autres recherches sur la durée des perceptions, des associations, du jugement, du choix. L’attention est, en effet, la condition psychique fondamentale de presque toutes les recherches psychométriques[1].

Obersteiner, pour qui l’attention est essentiellement un fait d’inhibition, a trouvé qu’elle exige en général plus de temps chez les ignorants que chez les gens cultivés, chez les femmes que chez les hommes qui par leur mode de vie ont développé le pouvoir d’arrêt, chez les vieillards que chez les adultes et les jeunes gens : ce qui tient sans doute à une activité fonctionnelle moins rapide.

Une série d’expériences faites sur la même personne ont donné comme moyenne à l’état normal 133ό, dans le cas de mal de tête 171ό, dans l’état de fatigue et de somnolence 183 G. Chez un malade, au début de la paralysie générale, le temps moyen était de 166ό ; à la deuxième période de cette maladie, alors que l’état du sujet était tout juste compatible avec l’investigation expérimentale, on a obtenu 281ό et jusqu’à 755ό. D’un autre côté, Stanley Hall, qui a eu la chance de rencontrer un sujet pouvant réagir correctement en état d’hypnotisme, a constaté une diminution très sensible du temps de réaction, qui passe d’une moyenne de 328ό (état

  1. Consulter pour le détail et le dispositif des expériences : Obersteiner, Experimentat Researches on Attention, dans Brain, janvier 1879 ; — Wundt, Psychologie physiologique, t.  II, chap. xvi ; — Exner dans Hermann, Handbuch der Physiologie, t.  II, fasc. 2, p. 283 et suiv. ; Stanley Hall, Reaction time and Attention in the hypnotic State, dans Mind (avril 1883). L’unité dans tous les nombres donnés est le millième de seconde = ό.