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RIBOT.le mécanisme de l’attention

son doigt comme auparavant et qu’il continue à respirer tout le temps, il verra que si grande que soit l’attention dirigée par lui sur son doigt, il ne ressentira pas la moindre trace de conscience d’effort, jusqu’à ce que le doigt lui-même ait été mû réellement, et alors elle est rapportée localement aux muscles qui agissent. Ce n’est que lorsque ce facteur respiratoire, essentiel, toujours présent, est laissé de côté ainsi que cela a été fait, que la conscience de l’effort peut avoir quelque degré de plausibilité, être attribuée au courant centrifuge. »

En résumé, partout et toujours des contractions musculaires. Même dans les cas où nous restons immobiles, on trouvera, si l’on s’observe avec soin, que la réflexion intense s’accompagne d’un commencement de parole, de mouvements du larynx, de la langue, des lèvres. Chez ceux qui n’appartiennent pas au type moteur, par conséquent les plus défavorables à notre thèse, il y a un état d’audition idéale ou de vision idéale : l’œil, quoique fermé, s’attache à des objets imaginaires. Czermak et après lui Stricker ont fait remarquer que si, après avoir contemplé intérieurement l’image d’un objet supposé très proche, on passe brusquement à la vision mentale d’un objet très éloigné, on sent un changement net dans l’état d’innervation des yeux. Dans la vision réelle, on doit passer, en pareil cas, de l’état de convergence à l’état de parallélisme des axes visuels, c’est-à-dire innerver les muscles moteurs de l’œil d’une autre manière. La même opération, plus faible, à l’état naissant, se produit dans la vision intérieure qui accompagne la réflexion. Enfin, chez tous et dans tous les cas, il y a des modifications dans le rythme de la respiration.

Nous pouvons répondre maintenant à la question posée plus haut : Quelle est l’origine du sentiment de l’effort dans l’attention et quelle en est la signification ?

Il a son origine dans ces états physiques tant de fois énumérés, conditions nécessaires de l’attention. Il n’est que leur répercussion dans la conscience. Il dépend de la quantité et de la qualité des contractions musculaires, des modifications organiques, etc. Son point de départ est périphérique comme pour toute autre sensation.

Il signifie que l’attention est un état anormal, non durable, produisant un épuisement rapide de l’organisme ; car, au bout de l’effort, il y a la fatigue ; au bout de la fatigue, l’inactivité fonctionnelle.

Reste un point obscur. Lorsque nous passons de l’état ordinaire à l’état d’attention sensorielle ou de réflexion, il se produit une augmentation de travail. L’homme surmené par une longue marche, une grande contention d’esprit ou qui succombe au sommeil à la fin de la journée, le convalescent sortant d’une grave maladie, en un