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de côté dans les oreilles et variant avec le degré de l’attention, suivant que nous regardons attentivement ou que nous écoutons attentivement quelque chose : c’est pourquoi on parle de l’effort de l’attention. On sent très clairement la différence quand on change rapidement la direction de l’attention de l’œil à l’oreille. De même le sentiment se localise diversement suivant que nous voulons flairer, déguster, toucher avec soin.

« Lorsque je veux me représenter le plus clairement possible un souvenir ou une image, j’éprouve un sentiment de tension tout à fait analogue à celui de la vision ou de l’audition attentive. Ce sentiment tout à fait analogue est localisé d’une manière toute différente. Tandis que dans la vision attentive des objets réels aussi bien que des images consécutives la tension est sentie par devant, et qu’en appliquant l’attention aux autres domaines sensoriels, il n’y a que la direction vers les organes extérieurs qui change, le reste de la tête ne donnant aucun sentiment de tension : dans le cas des souvenirs et des images, j’ai la conscience que la tension se retire tout à fait des organes extérieurs des sens et qu’elle paraît plutôt occuper la partie de la tête que le cerveau remplit. Si je veux, par exemple, me représenter vivement un objet ou une personne, ils semblent se produire pour moi d’autant plus vifs que je tends mon attention, non par devant, mais pour ainsi dire par derrière[1]. »

Depuis l’époque où a paru l’ouvrage de Fechner (1860), les recherches déjà mentionnées de Duchenne, de Darwin et de tous ceux qui ont étudié les mouvements expressifs, ont mis beaucoup plus de précision et de clarté dans ce sujet. Rappelons aussi le rôle des mouvements respiratoires dont Fechner ne parle pas. Ils ont une si grande importance que, dans certains cas, ils engendrent à eux seuls le sentiment de l’effort. Ferrier l’a montré, en s’appuyant sur une expérience très simple. Si l’on étend le bras et si l’on tient l’index dans la position nécessaire pour tirer un coup de pistolet, on peut, sans mouvoir réellement le doigt, avoir l’expérience d’un sentiment d’énergie déployée. Voilà donc un cas net du sentiment d’énergie déployée, sans contraction réelle des muscles de la main, et sans effort physique perceptible (ce qui est la thèse de Bain). « Mais si le lecteur recommence l’expérience et fait bien attention à l’état de sa respiration, il observera que sa conscience de l’effort coïncide avec une fixation des muscles de la poitrine et que, proportionnellement à la somme d’énergie qu’il sent mise en jeu par lui, il tient sa glotte fermée et contracte activement ses muscles respiratoires. Qu’il place

  1. Elemente der Psychophysik, t.  II, p. 490 et 475.