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RIBOT.le mécanisme de l’attention

toute sensation, d’origine périphérique. Même pour ceux qui ne consentiraient pas à admettre cette thèse pour définitive, il est certain qu’elle explique les faits d’une manière bien plus satisfaisante, bien plus conforme aux lois générales de la physiologie que l’hypothèse qui lie ce sentiment à la décharge nerveuse motrice, l’appareil moteur étant insensible dans la direction centripète.

Maintenant examinons le cas particulier de l’effort attentionnel. Les anciens psychologues se sont bornés à en constater l’existence ; ils ne l’expliquent pas. Ils n’en parlent qu’en termes vagues ou mystérieux, comme d’un « état de l’âme » et d’une manifestation hyperorganique. Ils y voient « une action de l’âme sur le cerveau pour le mettre en jeu ». Il me semble que Fechner est le premier (1860) qui ait essayé une localisation précise des diverses formes de l’attention, en les rapportant à des parties déterminées de l’organisme. À ce titre, les passages suivants me semblent valoir la peine d’être signalés.

« Le sentiment d’effort de l’attention dans les divers organes sensoriels ne me paraît être qu’un sentiment musculaire (Muskelgefühl) produit en mettant en mouvement, par une sorte d’action réflexe, les muscles qui sont en rapport avec les différents organes sensoriels. On demandera alors : À quelle contraction musculaire le sentimen d’effort attentionnel peut-il être lié, quand nous nous efforçons de nous rappeler quelque chose ? Mon sens intérieur me donne sur ce point une réponse nette. J’éprouve une sensation très distincte de tension non dans l’intérieur du crâne, mais comme une tension et une contraction de la peau de la tête et une pression de dehors en dedans sur tout le crâne, causée évidemment par une contraction des muscles de la peau de la tête : ce qui s’accorde parfaitement avec les expressions se casser la tête (sich den Kopf zerbrechen), rassembler sa tête (den Kopf zusammennehmen). Dans une maladie que j’ai eue autrefois, durant laquelle je ne pouvais endurer le plus léger effort de pensée continue (et à cette époque je n’étais déterminé par aucune théorie), les muscles de la peau, en particulier ceux de l’occiput, avaient un degré très net de sensibilité morbide, chaque fois que j’essayais de réfléchir. »

Dans le passage suivant, Fechner décrit ce sentiment d’effort, d’abord dans l’attention sensorielle, ensuite dans la réflexion :

« Si nous transportons notre attention du domaine d’un sens à un autre, nous éprouvons aussitôt un sentiment déterminé de changement de direction. Sentiment difficile à décrire, mais que chacun peut reproduire par expérience. Nous désignons ce changement comme une tension diversement localisée.

« Nous sentons une tension dirigée en avant dans les yeux, dirigée