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III

Chacun sait par son expérience que l’attention volontaire est toujours accompagnée d’un sentiment d’effort qui est en raison directe de la durée de l’attention et de la difficulté à la maintenir. D’où vient ce sentiment d’effort et quelle en est la signification ?

L’effort attentionnel est un cas particulier de l’effort en général dont la manifestation la plus commune et la plus connue est celle qui accompagne le travail musculaire. Trois opinions ont été émises sur l’origine de ce sentiment :

Il est d’origine centrale, il est antérieur au mouvement ou au moins simultané, il va du dedans au dehors, il est centrifuge, afférent, il est un sentiment d’énergie déployée ; il ne résulte pas, comme dans la sensation proprement dite, d’une influence extérieure transmise par les nerfs centripètes (Bain).

Il est d’origine périphérique, il est postérieur aux mouvements produits, il va du dehors au dedans, il est centripète, afférent, il est le sentiment de l’énergie qui a été déployée ; il est, comme toute autre sensation, transmis de la périphérie du corps au cerveau par les nerfs centripètes (Charlton Bastian, Ferrier, W. James, etc.).

Il est à la fois central et périphérique : il y a un sentiment de la force exercée ou sentiment d’innervation et il y a aussi un sentiment du mouvement effectué ; il est d’abord centrifuge, ensuite centripète (Wundt). Cette théorie mixte paraît aussi celle de J. Müller, l’un des premiers qui aient étudié la question.

La deuxième thèse, qui est la plus récente, paraît aussi la plus solide. Elle a été exposée avec beaucoup de soin par M. W. James dans sa monographie The Feeling of Effort (1880), et la thèse du sentiment d’énergie déployée, antérieur au mouvement, y a été critiquée avec une grande pénétration. L’auteur, discutant les faits l’un après l’autre, a montré que, dans les cas de paralysie d’une partie du corps ou d’un œil, si le malade a le sentiment d’une énergie déployée, quoique le membre reste immobile (ce qui paraît justifier la thèse d’un sentiment d’innervation centrale, antérieur au mouvement), c’est qu’il y a en réalité un mouvement produit dans d’autres parties du corps, dans le membre correspondant ou dans l’œil qui n’est pas paralysé. Il en conclut que ce sentiment est un état afférent complexe qui vient de la contraction des muscles, de l’extension des tendons, des ligaments et de la peau, des articulations comprimées, de la poitrine fixe, de la glotte fermée, du sourcil froncé, des mâchoires serrées, etc. ; qu’il est en un mot, comme