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miné, existant « dans l’âme », différant de la perception non en degré, mais en nature, lui ressemblant « tout au plus comme un portrait ressemble à l’original » ; pour la psychologie physiologique, entre la perception et l’image, il y a identité de nature, identité de siège et seulement différence de degré[1]. L’image n’est pas une photographie, mais une réviviscence des éléments sensoriels et moteurs qui ont constitué la perception. À mesure que son intensité augmente, elle se rapproche de son point de départ et tend à devenir une hallucination.

Pour nous en tenir aux éléments moteurs de l’image qui seuls nous intéressent, il est clair que, puisqu’il n’y a pas de perceptions sans mouvements, ceux-ci laissent dans le cerveau, après qu’ils ont été produits, des résidus moteurs (images motrices, intuitions motrices), tout comme les impressions de la rétine ou de la peau laissent des impressions sensorielles. Si l’appareil moteur n’avait pas sa mémoire, ses images ou résidus, aucun mouvement ne pourrait s’apprendre et devenir habituel : tout serait toujours à recommencer. D’ailleurs, il n’est pas nécessaire d’avoir recours au raisonnement. Des milliers d’expériences prouvent que le mouvement est inhérent à l’image, contenu en elle. La célèbre expérience du pendule de Chevreul peut en être considérée comme le type. Est-il nécessaire d’en citer d’autres ? les gens qui se précipitent dans un gouffre par la peur d’y tomber, qui se coupent avec leur rasoir de peur de se couper, et la « lecture des pensées » qui n’est qu’une « lecture » d’états musculaires, et tant d’autres faits réputés extraordinaires, simplement, parce que le public ignore ce fait psychologique élémentaire, que toute image contient une tendance au mouvement. Certes, l’élément moteur n’a pas toujours ces proportions énormes, mais il existe au moins à l’état naissant ; comme l’image sensorielle n’a pas toujours la vivacité hallucinatoire, mais est simplement esquissée dans la conscience.

3o S’il est aisé d’établir l’existence d’éléments moteurs dans les images, la question des idées générales ou concepts est plus difficile. Il faut reconnaître que la psychologie physiologique a beaucoup négligé l’idéologie et que celle-ci aurait besoin d’être reprise avec les données actuelles de l’expérience : l’étude des perceptions et des images a préparé la voie. Je n’ai pas l’intention de traiter ici, en épisode, une si grosse question. Je propose seulement, à

  1. Consulter Taine, de l’Intelligence, liv.  II ; — Galton, Inquiry into human Faculty, etc., p. 83-114 ; — Charcot, Leçons sur les maladies du système nerveux, t.  III ; Binet, Psychologie du raisonnement, chap. II ; — Ballet, Le Langage intérieur et les diverses formes de l’aphasie.