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RIBOT.le mécanisme de l’attention

ment négligé le rôle des mouvements qu’on finit par oublier qu’ils sont une condition fondamentale de la connaissance, parce qu’ils sont l’instrument de la loi fondamentale de la conscience qui est la relativité, le changement. Nous en avons dit assez pour justifier cette formule absolue : Point de mouvements, point de perception.

Le rôle des mouvements dans l’attention sensorielle ne peut faire aucun doute. L’horloger qui étudie minutieusement les rouages d’une montre, adapte ses yeux, ses mains, son corps ; tous les autres mouvements sont supprimés. Dans les expériences de laboratoire faites pour étudier l’attention volontaire, cet état de concentration par arrêt des mouvements atteint souvent un degré extraordinaire : nous en parlerons plus loin. Rappelons les observations de Galton, rapportées dans un précédent article[1], sur les mouvements qui se produisent dans un auditoire fatigué. — Attention signifie donc concentration et inhibition des mouvements. Distraction signifie diffusion des mouvements.

L’attention volontaire peut agir aussi sur l’expression des émotions, si nous avons de fortes raisons de ne pas traduire un sentiment au dehors et un pouvoir d’arrêt suffisant pour l’empêcher ; mais elle n’agit que sur les muscles, sur eux seuls ; tout le reste lui échappe.

Jusqu’ici nous n’avons pris la question que par son côté le plus facile. Nous arrivons maintenant à cette forme tout intérieure qu’on appelle la réflexion. Elle a pour matière des images ou des idées. Il nous faut donc trouver dans ces deux groupes d’états psychiques des éléments moteurs.

2o « Il ne semble pas évident à première vue, écrivait Bain dès 1855, que la rétention d’une idée [image] dans l’esprit soit l’œuvre des muscles volontaires. Quels sont les mouvements qui se produisent, lorsque je me représente un cercle ou que je pense à l’église Saint-Paul ? On ne peut répondre à cette question qu’en supposant que l’image mentale occupe dans le cerveau et les autres parties du système nerveux la même place que la sensation originelle. Comme il y a un élément musculaire dans nos sensations, spécialement dans celle de l’ordre le plus élevé, toucher, vue, ouïe, cet élément doit, d’une façon ou d’une autre, trouver sa place dans la sensation idéale, dans le souvenir. » Depuis cette époque, la question de la nature des images a été étudiée sérieusement et avec fruit, et résolue dans le même sens. Tandis que pour la plupart des anciens psychologues l’image était une sorte de fantôme sans siège déter-

  1. Octobre 1887.