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et l’arrivée ; le « Je veux » et l’acte produit ou empêché. Tous les états intermédiaires lui échappent et elle ne les connaît que de science acquise et indirectement. Ainsi fixés sur la somme de nos connaissances actuelles, nous devons nous borner à constater à titre de fait que, de même que nous avons le pouvoir de commencer, continuer et augmenter un mouvement, nous avons le pouvoir de supprimer, interrompre et diminuer un mouvement.

Ces considérations générales nous conduisent du moins à un résultat positif : c’est que tout acte de volition, impulsif ou inhibitoire, n’agit que sur des muscles et par des muscles ; que tout autre conception est vague, insaisissable, chimérique ; que, par conséquent, si le mécanisme de l’attention est moteur, comme nous le soutenons, il faut que dans tous les cas d’attention il y ait en jeu des éléments musculaires, des mouvements réels ou à l’état naissant sur lequel agit le pouvoir d’arrêt. Nous n’avons d’action (impulsive ou inhibitoire) que sur les muscles volontaires ; c’est là notre seule conception positive de la volonté. Il faut donc de deux choses l’une : ou bien trouver des éléments musculaires dans toutes les manifestations de l’attention volontaire, ou bien renoncer à toute explication de son mécanisme et nous borner à dire qu’elle est.

L’attention s’applique volontairement à des perceptions, des images ou des idées ; ou, pour parler plus exactement et pour éviter toute métaphore, l’état de monoidéisme peut être maintenu volontairement pour un groupe de perceptions, d’images ou d’idées, adaptées à un but posé d’avance. Nous avons à déterminer les éléments moteurs qui se rencontrent dans ces trois cas.

1o En ce qui concerne les perceptions, il n’y a pas de difficultés. Tous nos organes de perception sont à la fois sensoriels et moteurs. Pour percevoir avec nos yeux, nos oreilles, nos mains, nos pieds, notre langue, nos narines, il faut des mouvements. Plus les parties de notre corps sont mobiles, plus leur sensibilité est exquise ; plus leur motilité est pauvre, plus leur sensibilité est obtuse. — Ce n’est pas tout ; sans éléments moteurs, la perception est impossible. Rappelons, comme nous l’avons dit précédemment, que si l’on tient l’œil immobile fixé sur un objet, à bref délai la perception devient confuse, puis s’évanouit. Appliquez sans pression la pulpe du doigt sur une table, au bout de quelques minutes le contact n’est plus senti. Un mouvement de l’œil ou du doigt, si léger qu’il soit, ressuscite la perception. La conscience n’est possible que par le changement ; le changement n’est possible que par le mouvement. On pourrait s’étendre longuement sur ce sujet ; car, quoique les faits soient de toute évidence et d’une expérience banale, la psychologie a telle-