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RIBOT.le mécanisme de l’attention

excite un nerf par un courant constant, il se produit à l’anode une onde d’arrêt qui se reconnaît à la diminution d’excitabilité du nerf et qui se propage lentement des deux côtés de l’anode : en même temps, se produit au cathode une onde d’excitation qui se propage des deux côtés du cathode avec une vitesse et une intensité plus grandes. Un nerf excité se trouve donc parcouru à la fois par une onde d’arrêt et une onde d’excitation et son excitabilité n’est que la résultante algébrique de ces deux actions contraires ».

Dans cette hypothèse, toute excitation déterminerait donc dans la substance nerveuse deux modifications, l’une positive, l’autre négative, une tendance à l’activité d’une part, une tendance à l’arrêt de cette activité d’autre part ; l’effet final n’est que la résultante de ces actions contraires, en sorte que tantôt l’impulsion, tantôt l’arrêt prédomine.

Nous venons d’exposer très sommairement à peu près tout ce que la physiologie nous apprend sur le mécanisme de l’inhibition et nous aurons l’occasion d’en profiter. Revenons à l’étude psychologique.

Le pouvoir d’arrêt volontaire, quel que soit son modus operandi, est une formation secondaire ; il apparaît relativement tard, comme toutes les manifestations d’ordre supérieur. La volition sous sa forme positive, impulsive, la volition qui produit quelque chose, est la première dans l’ordre chronologique. La volition sous sa forme négative, qui empêche quelque chose, apparaît, d’après Preyer (l’Âme de l’enfant, p. 190-191) vers le dixième mois, sous la forme très humble de l’arrêt des évacuations naturelles.

Mais comment produisons-nous un arrêt ? Nous ne pouvons répondre à cette question d’une manière satisfaisante. Toutefois, il faut remarquer qu’à cet égard notre position est exactement la même qu’en face de la question contraire : Comment produisons-nous un mouvement ? Dans la volition positive, le « Je veux » est ordinairement suivi d’un mouvement ; c’est-à-dire qu’il y a d’abord la mise en activité dans le cerveau des images motrices ou résidus moteurs appropriés, transmission de l’influx nerveux à travers la couronne rayonnante aux corps striés, à la couche inférieure du pédoncule cérébral, au bulbe, puis après croisement à la moelle épinière, aux nerfs et finalement aux muscles. Dans la volition négative, le « Je veux » est ordinairement suivi d’un arrêt : les conditions anatomiques et physiologiques de la transmission sont moins bien connues ; dans l’hypothèse exposée ci-dessus, elles ne seraient guère différentes du cas précédent. Mais, dans l’un et l’autre cas, la conscience ne connaît directement que deux choses : le départ