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réprimée d’un centre moteur. Pour localiser ces centres modérateurs dans les lobes frontaux, voici les principales raisons qu’il fait valoir : L’intelligence est proportionnelle au développement de l’attention ; elle est proportionnelle aussi au développement des lobes frontaux. L’irritation de ces lobes ne provoque aucune manifestation motrice ; ils sont donc modérateurs et dépensent leur énergie à produire des changements dans les centres d’exécution motrice actuelle. Leur ablation ne cause aucune paralysie motrice, mais une dégénérescence mentale qui se réduit à la perte de l’attention. Les lobes frontaux sont imparfaitement développés chez les idiots dont le pouvoir d’attention est très faible. Les régions frontales deviennent de plus en plus faibles chez les animaux, en même temps que le niveau de l’intelligence s’abaisse. Ajoutons que les lésions des lobes frontaux diminuent beaucoup et abolissent souvent le pouvoir de contrôle[1]. L’auteur déclare d’ailleurs « que sur le fondement physiologique de cette faculté de contrôle on ne peut admettre que des vues théoriques. »

Quoique la théorie que les phénomènes d’arrêt se passent dans des appareils particuliers soit devenue à peu près classique, dans ces derniers temps, plusieurs auteurs, en s’appuyant sur leurs expériences, ont soutenu « que les actions motrices et les actions d’arrêt ont pour siège les mêmes éléments[2] ». « Toutes les fois qu’on excite un nerf, dit M. Beaunis, il se produit dans ce nerf deux sortes de modifications de sens contraire. Soit un nerf moteur : il y aura dans ce nerf une mise en activité qui se traduira par une secousse du muscle ; mais outre ce phénomène le plus apparent et le mieux étudié, il se produit aussi un état contraire qui tendra à enrayer la secousse ou à l’empêcher de se produire. Il y aura à la fois dans ce nerf des actions motrices et des actions d’arrêt » (ouv. cité, 97). Le processus moteur débute plus vite que le processus d’arrêt et dure moins longtemps. Une première excitation cause une secousse maxima ; mais à la deuxième excitation l’action d’arrêt, tendant à se produire, diminue l’amplitude. — Dans une expérience de Wundt, « quand on

  1. Pour les faits, nous renverrons le lecteur à nos Maladies de la volonté, p. 30 et suiv. Plus récemment, un neurologiste américain, Alex. Starr, sur 23 cas de lésion des lobes frontaux, a rencontré chez la moitié des malades le trouble mental suivant : perte de la faculté de contrôle, changement de caractère, impossibilité de fixer l’attention. (Brain, janvier 1886, p. 570.)
  2. Wundt, Untersuchungen zur Mechanik der Nerven und Nervencentren, 1871, 1876, et Psychologie physiologique, t.  I, chap. 6. — Beannis, Recherches expérimentales sur les conditions de l’activité cérébrale et sur la physiologie du nerf. Paris, 1884. M. Beaunis a insisté plus qu’aucun autre physiologiste sur l’importance des actions d’arrêt pour la psychologie.