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LES CONDITIONS PSYCHOLOGIQUES DE LA CONNAISSANCE EN HISTOIRE


On a jusqu’ici peu étudié les procédés par lesquels se forme la connaissance dans les sciences historiques. Les logiciens[1] n’ont fait qu’effleurer la méthode de l’histoire. Les historiens, même ceux qui ont pratiqué une méthode, ont très peu songé à en dégager les principes[2]. On s’est habitué à dire que l’histoire repose sur le témoignage, comme si le témoignage pouvait donner une connaissance immédiate ; on n’a pas cherché comment le témoignage se ramène à un des procédés directs de connaissance. — Le but de cette analyse est de déterminer les opérations par lesquelles se forme la connaissance historique et les conditions qu’elle doit remplir pour donner une certitude légitime. — Comme toute connaissance systématique, l’histoire se compose de deux éléments : des faits, c’est-à-dire des propositions particulières qu’on détermine directement par un travail sur les matériaux bruts de la connaissance ; des lois, c’est-à-dire des formules générales obtenues en rapprochant les propositions particulières ; elle comporte deux séries d’opérations : déterminer chacun des faits historiques, déterminer les formules générales qui résument ces faits. Ces questions n’ayant ni le même

  1. Hamilton se borne à quelques-uns des procédés de la critique de sources et de l’herméneutique. Stuart Mill n’étudie que les conditions nécessaires pour constituer la science sociale. Bain n’a guère qu’un chapitre sur la critique du témoignage.
  2. Bœckh (Encyclopädie und Methodologie der philologischen Wissenschaften 1877) étudie les règles de la critique et de l’herméneutique, mais au point de vue de la philologie. Le Pere de Smedt (Principes de critique historique, 1883), résumé par Tardif (Notions élémentaires de critique historique, 1883), n’a pas osé faire un traité méthodique ; son extrême modestie et peut-être la réserve que lui imposait son caractère ecclésiastique semblent l’avoir empêché d’étudier la question de méthode. Il n’y a presque rien à tirer des articles théoriques de l’Historische Zeitschrift et de l’Historisches Taschenbuch. L’Historische Zeitschrift, en 1885, publiait encore un article consacré à discuter si l’histoire est un art ou une science. L’introduction de Riehl au Taschenbuch de 1880 n’est qu’une étude sur les goûts du public allemand en matière d’histoire.