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BINET.la vie psychique des micro-organismes

elles rappellent un stade antérieur de développement, auquel on donne le nom de morula ou de blastula ; mais elles ne dépassent pas ce stade.

Nous venons de voir des associations d’organismes qui vivent accolés les uns aux autres, comme les Gonium, et quelquefois réunis par un lien matériel, comme les Volvox, où les individus sont groupés sous une même cuticule. Il est beaucoup plus rare de rencontrer des associations volontaires et libres ; cependant on en rencontre ; il existe des êtres qui vivent habituellement d’une vie isolée, mais qui savent, au moment voulu, se grouper ensemble pour attaquer une proie, afin de profiter de l’avantage que donne le nombre.

Le Bodo caudatus est un Flagellé vorace et d’une audace extraordinaire ; il se réunit en troupes qui attaquent des animaux cent fois plus gros qu’eux, par exemple des Colpodes qui, à côté d’eux, sont de véritables géants. Comme un cheval attaqué par une bande de loups, le Colpode est bientôt réduit à l’immobilité ; vingt, trente, quarante Bodo se jettent sur lui, le sucent et le vident complètement (Stein).

Tous ces faits sont intéressants, mais évidemment leur interprétation est difficile. On peut se demander si les Bodo se réunissent intentionnellement en groupe de dix ou vingt individus, parce qu’ils comprennent qu’ils sont plus forts quand ils sont réunis que quand ils sont dispersés. Mais il est plus probable qu’il n’existe point chez ces êtres une association volontaire pour l’attaque ; ce serait leur supposer un raisonnement bien complexe ; on admet plus volontiers que le groupement de plusieurs Bodo résulte du fait du hasard ; lorsque l’un d’eux a commencé à attaquer un Colpode, les autres animalcules qui sont dans le voisinage se précipitent au combat pour profiter d’une occasion favorable.

Alfred Binet.
(La fin prochainement.)