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ce sont les rameurs de la colonie. Les Volvox mâles, femelles et neutres recherchent la lumière solaire ou artificielle et se tiennent près de la surface de l’eau. Dès que les colonies femelles sont fécondées, les oospores changent de couleur : de verts, ils deviennent jaune orangé. À ce moment, on voit la colonie fuir la lumière et s’éloigner de la surface de l’eau. Ce déplacement est dû aux cils vibratiles dont est pourvue chaque cellule neutre et qui font saillie hors de la sphère gélatineuse ; or, comme on n’observe aucun changement de couleur ni de forme dans ces cellules après la fécondation, on peut donc se demander par suite de quelle cause elles fuient la lumière qu’elles recherchaient auparavant[1].

Les colonies de Proto-organismes, étant formées par la division d’une cellule mère dont les segments restent réunis, ne sont pas sans : offrir quelque analogie avec un être pluricellulaire, qui lui aussi provient d’une cellule unique, appelée œuf, dont les produits de division ne se séparent pas.

La colonie constitue en quelque sorte une première étape vers la constitution physiologique d’un être pluricellulaire ; elle sert, dans le règne animal, à établir une transition entre les Protozoaires et les Métazoaires. Ce qui ajoute à cette analogie, c’est que certaines de ces colonies, le Synura uvella, l’Uroglena volvox, peuvent se diviser en deux autres colonies ; l’étranglement se fait sur la masse, comme sur un organisme pluricellulaire. Cette curieuse observation a été faite par Stein et Bütschli.

Cependant une différence capitale continue à séparer les Métazoaires et les colonies de Protozoaires, alors même que dans ces colonies une division de fonction s’est établie entre plusieurs groupes d’individus. La différenciation physiologique qui se produit dans ces colonies de Protozoaires résulte d’un mécanisme qui diffère totalement de celui par lequel elle est obtenue chez les Métazoaires. Pour ces derniers, la différenciation résulte de la division de l’embryon en feuillets germinatifs, dont chacun est l’origine d’un groupe distinct d’organes. À un certain stade du développement, la surperposition de ces feuillets donne lieu à la formation d’une gastrula ; la gastrula est produite par deux feuillets accolés et représentant un sac ouvert à l’extérieur ; elle est caractéristique des Métazoaires ; jamais le Protozoaire n’arrive à ce stade. Certaines colonies observées par Hæckel, par exemple le Magosphæra planula et les Volvox dont nous avons parlé plus haut, se présentent sous la forme sphérique ;

  1. Henneguy, Sur la reproduction du Volvox diolque. Acad. des Sciences, 24 juillet 1876.