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IV

Les êtres unicellulaires ne vivent pas tous à l’état isolé ; un grand nombre d’espèces se réunissent en colonies ; le point de départ de ces agglomérations est toujours une cellule mère qui se divise et dont les rejetons, au lieu de se disperser pour vivre à l’état libre, restent agglutinés les uns aux autres. Ehrenberg avait cru que chez certaines espèces, notamment chez l’Anthophysa vegetans, agrégation de petites monades qui forment des arbrisseaux, la colonie était formée par la réunion de petits organismes qui vivaient primitivement à l’état libre ; mais l’observation a montré que cette opinion était inexacte. On peut poser en règle générale que toute colonie d’animaux ou de végétaux monocellulaires provient des divisions d’une cellule unique ; les cellules d’une même colonie sont donc toujours des cellules sœurs, et la colonie nous représente une famille en miniature.

On trouve un premier exemple de colonie, tout à fait temporaire, chez les êtres dont la cuticule ne participe pas aux phénomènes de division du protoplasma. Dans ces conditions, le plasma seul se divise sous l’abri de cette enveloppe ; les segments qui en résultent sont souvent nombreux ; ce n’est qu’au moment où le plasma a achevé de se diviser que la cuticule maternelle se détruit et que les segments sortent pour vivre au dehors à l’état libre ; jusqu’à ce moment, ils restent accolés les uns aux autres.

On voit que l’existence de cette petite colonie est un fait passager, qui ne dure que pendant le temps nécessaire à la division du corps de la mère. On a observé ces phénomènes chez beaucoup de Flagellés. Ce qui peut paraître surprenant, c’est que la cellule mère, tout en continuant à se diviser sous son enveloppe, continue à se mouvoir dans l’eau avec son flagellum, comme si elle ne constituait qu’un seul animal. Cela tient à ce qu’un des segments dans lesquels le plasma s’est divisé, placé à la partie antérieure de la cellule mère, reste en rapport avec le flagellum et se charge de le manœuvrer. C’est ce segment qui, comme un petit individu distinct, conduit seul la barque où se trouvent ses sœurs. Ainsi, bien que cette petite colonie soit essentiellement passagère, une division du travail s’est opérée entre ses membres ; le segment antérieur est seul chargé de la locomotion.

La colonie a une durée moins éphémère chez un Volvocien connu de nos eaux douces, le Gonium pectorale ; il est formé par l’association de seize individus qui restent libres, mais adhèrent par leur partie