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BINET.la vie psychique des micro-organismes

nium. Il paraît même avoir une prédilection marquée pour certaines espèces ; c’est ainsi que le grand et inoffensif Paramecium aurelia est presque toujours choisi de préférence parmi les animalcules qui peuplent le même liquide[1].

Le mode de préhension des aliments présente chez le Didinium des circonstances intéressantes qui n’ont encore été signalées chez aucun Infusoire. M. Balbiani avait été souvent surpris dans ses premières observations de voir les animalcules, près desquels le Didinium passait sans les toucher, s’arrêter tout à coup comme brusquement paralysés, puis notre carnassier s’en approcher et s’en saisir facilement. Une observation plus attentive des manœuvres du Didinium lui donna bientôt la clef de l’énigme. Lorsque, tout en tournoyant rapidement dans les eaux, celui-ci se trouve à proximité d’un animalcule, une Paramécie, par exemple, dont il veut faire sa proie, il commence par décocher contre elle une partie des corpuscules bacillaires qui forment son armature pharyngienne. Aussitôt la Paramécie cesse de nager et ne bat plus que faiblement l’eau de ses cils vibratiles ; tout autour d’elle on voit épars les traits qui ont servi à la frapper. Son ennemi alors s’approche et fait rapidement saillir hors de sa bouche un organe en forme de langue, relativement long et semblable à une baguette cylindrique transparente, qu’il fixe par son extrémité libre élargie sur un point du corps de la Paramécie. Celle-ci est alors graduellement attirée pas le retrait de cette langue vers l’ouverture buccale du Didinium, laquelle s’ouvre largement en prenant la forme d’un vaste entonnoir dans lequel s’engloutit la proie[2].

On a peu étudié jusqu’ici les mouvements de défense et de fuite. Sur ce point, quelques mots suffiront. Lorsque les Vorticelles sont inquiétées, on les voit contracter énergiquement leur pédicule, qui à l’état de repos reste étendu. Les Infusoires, placés dans une préparation où ils sont à l’aise, nagent tranquillement ; si quelque excitation brusque les inquiète, ils précipitent leur course ; ceux qui sont munis à leur extrémité postérieure d’une soie rigide se précipitent en avant toutes les fois qu’un autre Infusoire vient à toucher cet appendice tactile. Les inoffensives Paramécies, lorsqu’elles sont attaquées, essayent de se dégager, et peuvent même se défendre au moyen des trichocystes dont leur ectosarc est armé.

  1. Le Didinium, nous apprend M. Balbiani, n’attaque presque jamais le Paramæcium bursaria, qui se distingue du P. aurelia par sa coloration verte.
  2. Archives de Zoologie expérimentale, 1873, t.  II, p. 363. Observations sur le Didinium nasutum, par E.-G. Balbiani.