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BINET.la vie psychique des micro-organismes

cette ouverture buccale, susceptibles d’une dilatation vraiment merveilleuse, passer avec lenteur d’abord sur le péristome, puis sur le corps de la proie, et venir se resserrer autour du point où celle-ci était fixée à son pédicule. Les cils qui recouvraient la surface de l’Amphileptus se mirent à s’agiter de ce mouvement particulier qu’on aperçoit toutes les fois qu’un Infusoire cilié sécrète un kyste. En effet, au bout de quelques instants on vit apparaître tout autour de l’animal un contour délié qui alla s’épaississant, de manière que le kyste fut bientôt formé. » C’est ce qu’on peut appeler un kyste de digestion. « Le phénomène, en somme, est assez simple. Un Amphileptus s’approche d’une Epistylis, la dévore et s’enkyste sur place, tandis que la proie est encore fixée sur son pédicule. Il cherche alors à arracher l’Epistylis à son point d’attache par des mouvements de torsion ; il exécute des rotations de gauche à droite, puis de droite à gauche, et ainsi de suite ; lorsqu’il a réussi, il opère sa digestion et parfois se partage occasionnellement en deux dans le kyste même. Pendant la fin de cette digestion, il se repose un certain temps, puis commence à tourner de nouveau dans son kyste, dans le but de chercher à se débarrasser. Au bout d’un certain nombre d’heures, le kyste éclate. L’Amphileptus sort et va chercher au loin une autre proie[1]. »

Les Infusoires chasseurs sont souvent armés de trichocystes. Les trichocystes sont des filaments urticants qui servent à celui qui en est armé à paralyser ou tuer d’autres Micro-organismes.

Un grand nombre d’Infusoires, les Paramécies, les Ophryoglėnes, etc., se servent de trichocystes comme d’organes défensifs. Chez d’autres espèces, dont nous parlerons plus longuement, les trichocystes sont des armes offensives ; ils sont logés soit dans les parois de la bouche, soit dans des parties avoisinantes : c’est ce qu’on voit chez les Lacrymaires, le Didinium, l’Enchelys, le Lagynus, le Loxophyllum, l’Amphileptus.

Voici comment ces animalcules attaquent la proie vivante dont ils se nourrissent. Ils s’élancent sur leur victime et lui enfoncent dans le corps les trichocystes dont ils sont armés ; la victime s’arrête aussitôt, et le chasseur la saisit et l’avale. Ainsi, lorsque le Lagynus elongatus veut s’emparer d’une victime tombée dans son tourbillon et amenée ainsi au voisinage de sa bouche, il se porte en avant, rapidement. Au moment du contact, l’Infusoire poursuivi se trouve brusquement paralysé et demeure complètement immobile. Cette paralysie est évidemment causée par les trichocystes qui garnissent

  1. Études sur les Infusoires et les Rhizopodes, t.  II, p. 166, 1861.