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cherche d’aliments plus abondants. Il est difficile de trouver un exemple plus net de l’influence des conditions de milieu sur les habitudes et les mœurs des animaux.

« La Leucophrys patula est un type éminemment carnassier et d’une grande voracité, ce qui explique sa puissance de multiplication, une des plus grandes que j’aie étudiées. Dernièrement, ayant une température de 25⁰ dans mon cabinet de travail, je l’ai vue se fissiparer sept fois dans les vingt-quatre heures, c’est-à-dire qu’un seul individu en produisit cent vingt-huit. En chasse constante à la recherche de ses proies, elle les saisit avec deux fortes lèvres vibratiles dont sa bouche est armée et les engloutit toutes vivantes et tout d’une pièce. On voit les victimes s’agiter et se débattre quelque temps à l’intérieur du corps de la Leucophre, puis expirer lentement sous l’action des sucs digestifs de la vacuole où ils sont enfermés. Placées dans un milieu riche en petits Ciliés, les Leucophres ont le corps constamment bourré des proies ainsi englouties. Pas plus que les autres Ciliés chasseurs la Leucophre ne perçoit à distance ses proies et ne se dirige sur elles. Elle court simplement de droite et de gauche, changeant à tout instant de direction. Elle multiplie ainsi les chances de rencontre, et, chaque fois qu’une de ses malheureuses victimes tombe en contact de ses lèvres vibratiles, elle est saisie, entraînée irrésistiblement vers la bouche et engloutie en moins d’un dixième de minute. »

Certains Infusoires chasseurs ont des procédés de chasse et de capture qui méritent d’être étudiés à part. Claparède et Lachmann ont décrit avec de grands détails, dans leur bel ouvrage sur les Infusoires et les Rhizopodes, la façon dont un gros Infusoire, l’Amphileptus Meleagris, attaque les Epistylis plicatilis. Les Epistylis sont des Vorticelles coloniales dont certains individus n’atteignent pas moins de 0mm, 21. L’Épistylis forme des familles arborescentes dont les ramifications sont fort régulièrement dichotomiques. Celles-ci croissent toutes avec une rapidité parfaitement identique, et les individus sont tous portés à la même hauteur, de manière à représenter ce qu’on appelle, en botanique, une inflorescence en corymbe. « Nous observions un jour, dit Claparède, dans l’espoir de voir ce qu’il adviendrait de lui, un Amphileptus qui rampait lentement sur une colonie d’Epistylis. La manière dont il s’approchait de ces Vorticellines, les palpant pour ainsi dire, en les enserrant à moitié de son corps souple, pouvait déjà paraître suspecte. Enfin il s’attaqua directement à un individu, par la partie supérieure de celui-ci. Il ouvrit sa large bouche, qu’on ne réussit jamais à voir que lorsque l’animal mange, et il se glissa lentement sur l’Epistylis, comme un doigt de gant qu’on enfile sur le doigt. Nous vîmes les bords de