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BINET.la vie psychique des micro-organismes

leur densité sont susceptibles d’être saisis et entraînés par leur tourbillon alimentaire.

« Chez les Ciliés essentiellement chasseurs, la bouche est au contraire constamment fermée. L’absorption de chaque proie se fait par un acte de déglutition absolument comparable à celui des animaux supérieurs. De plus, ces espèces ne se nourrissent que de proies vivantes qu’elles capturent et arrêtent avec leurs trichocystes (voir Archives de zoologie, t.  I, 1883, p. 607 et suiv.). Elles exercent donc par le fait un choix dans leurs aliments. Mais ce choix n’est pas, à mon avis, le résultat d’une préférence, d’un goût particulier, mais de organisation spéciale de leur appareil buccal qui ne leur permet pas de prendre une autre nourriture.

« Ces Infusoires chasseurs courent constamment à la recherche d’une proie ; mais cette chasse n’est pas dirigée vers un objet plutôt que vers un autre. Ils circulent rapidement, changeant à tout instant de direction, la partie du corps portant les trichocystes d’attaque en avant. Quand le hasard les a mis en contact d’une victime, ils lui décochent leurs dards et la foudroient. À ce moment ils exécutent quelques actes inspirés par une volonté directrice. Il est fort rare que la victime foudroyée demeure immobile au contact immédiat de la bouche. Le chasseur alors tourne lentement sur place, se contournant à droite et à gauche, cherchant sa proie morte. Cette recherche dure au plus une minute, après laquelle, s’il n’est pas parvenu à trouver la victime, il repart au large et reprend sa course irrégulière et vagabonde. Ces chasseurs, à mon avis, n’ont aucun organe sensoriel qui leur permette de percevoir à distance le voisinage d’une proie ; ce n’est que par leur course incessante et sans repos jour et nuit qu’ils réussissent à pourvoir à leur alimentation. Quand les proies sont nombreuses, les rencontres sont fréquentes, la course fructueuse et l’alimentation abondante ; quand elles sont rares, les rencontres sont également peu nombreuses, et le carnassier jeûne et fait Rhamadan. Le Lagynus crassicolis par conséquent ne voit nullement ses proies à distance et ne se dirige jamais vers une proie plutôt que vers une autre. Il court au hasard de droite et de gauche, entraîné par son instinct de chasseur, instinct développé par son organisation spéciale, qui le condamne à cette course incessante pour satisfaire ses besoins d’alimentation.

« Les Infusoires à tourbillon, lorsqu’ils sont dans un milieu riche en aliments, sont à peu près complètement sédentaires, n’exécutant que de légers mouvements de position. Mais, si on les place dans un milieu pauvre en nourriture, ils deviennent aussi vagabonds que les chasseurs et on les voit courir dans toutes les directions à la re-