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mouvement, chez les Infusoires libres, présente tous les caractères du mouvement volontaire.

On peut même remarquer que chaque espèce manifeste sa personnalité dans son mode de locomotion. Ainsi l’Actinotricha saltans, quand il est placé dans une préparation où il se trouve à son aise, reste souvent plusieurs minutes de suite absolument immobile. Puis, tout d’un coup, il se précipite avec la rapidité de l’éclair et disparaît du champ de la vision. Il court ainsi quelque temps à droite et à gauche, puis se fixe de nouveau immobile. Il peut circuler avec la plus grande agilité à travers les débris, au milieu desquels il se glisse en se repliant et les contournant avec une souplesse admirable. Le Lagynus crassicolis a, au contraire, une marche d’une uniformité assez constante, ni rapide, ni lente. Il circule au milieu des algues et des débris, à la recherche d’une proie. Le Peritromus Emmæ a des mouvements lents. Il court paresseusement sur les algues, où il cherche sa nourriture, et ne s’en écarte guère pour s’aventurer dans l’eau libre[1].

Au sujet de la préhension des aliments et de la recherche de la nourriture par les Ciliés, nous ne pouvons mieux faire que de reproduire intégralement une note que M. E. Maupas a bien voulu nous envoyer. Nous lui avions posé deux questions : 1o les Ciliés chassent-ils leurs aliments ? 2o{{lié}dans la recherche des proies vivantes, les Ciliés dits chasseurs font-ils une véritable chasse, comprenant la perception de la proie à distance et la poursuite volontaire de la proie, dans les détours qu’elle fait ? Après avoir recouru de nouveau à l’observation, M. E. Maupas résume son opinion dans les lignes suivantes :

« Les Ciliés, au point de vue de la préhension des aliments, peuvent se diviser en deux grands groupes : 1o les Ciliés à tourbillon alimentaire ; 2o les Ciliés chasseurs.

« Chez les premiers, la bouche est constamment béante, et avec les corpuscules alibiles que le courant du tourbillon y entraine perpétuellement on peut à volonté y faire pénétrer, en les mélangeant dans l’eau ambiante, des substances absolument inertes et indigestes, telles que granules de carmin, d’indigo et d’amidon de riz. Ces granules, absolument impropres à la nutrition, traversent le corps des Ciliés avec les véritables aliments, puis finalement sont rejetés intacts avec les fèces. Je crois donc qu’on peut affirmer que ces espèces à tourbillon n’exercent aucun choix réel dans leurs aliments et qu’elles absorbent indifféremment tous les corpuscules qui par leur forme et

  1. E. Maupas, Étude des Infusoires cilies, Arch. de zool. expér., 1883, No 4.