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BINET.la vie psychique des micro-organismes

petit fait est fort important ; car il prouve que, comme nous l’avons déjà dit, cette cellule microscopique sait exercer un choix, et distinguer dans une certaine mesure la particule alimentaire de la poussière inerte. Si le corps étranger peut servir à la nourriture de l’Amibe, l’animal l’englobe par un procédé fort simple. Sous l’influence de l’irritation causée par le corps étranger, le protoplasma mou et visqueux de l’Amibe se projette en avant, et se répand autour de l’aliment, à peu près comme sur le rivage de la mer une vague se répand sur les galets ; puis, pour continuer la comparaison qui fait assez bien comprendre comment les choses se passent, la vague de protoplasma revient en arrière, en entraînant à sa suite le corps étranger qu’elle a entouré. C’est ainsi que l’aliment est englobé et introduit dans le protoplasma ; là, il est digéré, assimilé et disparaît lentement.

Il existe dans la couche interne de l’intestin, chez les animaux inférieurs, des cellules qui opèrent de la même façon que la cellule de l’Amibe la préhension de l’aliment solide : on les appelle des phagocytes.

Ce mode de préhension est sans contredit un des plus simples qu’on puisse imaginer, car l’organe préhenseur n’est point encore différencié. Chaque point du protoplasma de l’Amibe peut servir de cavité digestive en enveloppant le corps étranger.

Au-dessus de l’Amibe, nous pouvons placer, au point de vue spécial de la préhension des aliments, l’Actinophrys sol. C’est un petit Iléliozolaire microscopique, abondant dans la vase d’eau douce. Il émet de toutes les parties de son corps de longs pseudopodes grêles, filamenteux. Lorsqu’une proie, ou un aliment quelconque, s’introduit au milieu de ces rayons de filaments, le filament impressionné se rétracte vivement, entraînant vers le corps de l’Actinophrys la matière nutritive ; dans d’autres cas, les filaments, en s’anastomosant, forment une sorte d’enveloppe à la proie. Au moment où ce corps arrive à une courte distance de la cellule, une partie de la masse du protoplasma est projetée en avant et entoure l’aliment qui est entraîné et englobé dans le sein du protoplasma par un processus analogue à celui de l’Amibe.

Chez l’Actinophrys, toutes les parties du corps peuvent servir de porte d’entrée à l’aliment, c’est-à-dire jouer le rôle de bouche. C’est un être pantostomaté, suivant l’expression de W. Saville Kent. Chez d’autres espèces, plus élevées en organisation, ce mode d’alimentation est rendu impossible par la cuticule qui entoure le corps ; la formation d’une cuticule imperméable aux aliments solides entraîne la