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que ces animalcules sont doués de mémoire et de volonté. Nous grouperons nos observations sous les deux énoncés suivants :

1o Le choix de la nourriture ;

2o Les mouvements nécessaires pour la préhension de l’aliment.

Les Micro-organismes ne se nourrissent pas indistinctement et en aveugles de toutes les substances qu’ils rencontrent. Alors même qu’ils ingèrent l’aliment par un point quelconque de leur corps, ils savent très bien faire choix des particules qu’ils veulent absorber. Ce choix est quelquefois même assez étroit, car il y a des espèces qui se nourrissent exclusivement de certains aliments. Ainsi il y a des Infusoires herbivores et des Infusoires carnivores. Parmi les herbivores, on peut ranger les chilodons qui se nourrissent de petites algues, de Diatomées, d’Oscillaires. La paramécie se nourrit principalement de Bactéries. Le Leucophrys est un exemple de carnivore ; il mange même des animaux plus petits de son espèce. Le Cyrtostomum leucas mange de tout, et même des Rotifères.

Si l’existence de ce choix de la nourriture est un fait certain, l’interprétation qu’il faut en donner est beaucoup plus douteuse. Quelques auteurs, comme Charlton Bastian, expliquent ce choix de l’aliment par un rapport de composition chimique entre l’organisme et l’aliment. Cette idée ne mène pas à grand’chose. D’autres comparent la sélection que le Proto-organisme exerce entre les objets qui se présentent à lui, à l’action de l’aimant qui choisit en quelque sorte les particules de fer confondues avec des particules d’une autre substance. Cette seconde interprétation est un témoignage de la tendance qu’ont certains naturalistes à vouloir identifier les propriétés de la matière vivante aux propriétés physico-chimiques du monde minéral.

La seule question qui nous paraisse digne d’être agitée est celle de savoir si le choix de l’aliment chez les Proto-organismes résulte ou non d’une opération psychique, comme cela a lieu par exemple chez des êtres plus élevés. Nous avons reçu à ce sujet une note très curieuse de M. E. Maupas, qui tend à admettre que le choix dans les aliments n’est pas le résultat d’un goût particulier des Micro-organismes, mais est déterminé par l’organisation de leur appareil buccal, qui ne leur permet pas de prendre une autre nourriture.

Il faut donc étudier de près le mécanisme de la préhension des aliments.

Voici ce qui se passe lorsque l’Amibe, dans sa marche rampante, vient à rencontre un corps étranger. Tout d’abord, si ce corps étranger n’est pas une substance nutritive, si c’est par exemple du sable, l’Amibe ne l’absorbe pas ; il le repousse avec ses pseudopodes. Ce