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BINET.la vie psychique des micro-organismes

velles, où il devient nécessaire de chercher volontairement, par des mouvements directs, à se rapprocher des sources d’oxygène, on constate qu’un grand nombre de Micro-organismes et spécialement des Bactéries sont doués de la propriété d’apprécier la tension de l’oxygène dans les liquides où ils se trouvent. Lorsqu’on met des bactéries de la putréfaction dans une goutte d’eau ne contenant pas d’oxygène, mais dans laquelle on a placé déjà des algues à chlorophylle, ou des Euglènes vertes, ou des grains de chlorophylle obtenus par l’écrasement des cellules vertes, au premier moment, il ne se passe rien ; mais si l’on éclaire la préparation pour permettre à la fonction chlorophyllienne de s’exercer, on voit les Bactéries présenter des mouvements très vifs, et se diriger toutes ensembles vers les points de la préparation où se fait le dégagement de l’oxygène, c’est-à-dire autour des grains de chlorophylle. Il s’établit dans ces circonstances un échange chimique entre la chlorophylle et la Bactérie aérobie : la Bactérie dégage de l’acide carbonique et absorbe de l’oxygène, la chlorophylle fixe le charbon de l’acide carbonique et met en liberté de l’oxygène.

Si l’on obscurcit la préparation, les Bactéries cessent d’entourer les grains de chlorophylle qui, mis à l’abri de la lumière, cessent de dégager de l’oxygène ; le groupement se fait de nouveau si on laisse revenir un rayon de soleil.

On observe des faits analogues dans des circonstances un peu différentes. M. Balbiani a vu, dans une préparation de l’intestin du ver à soie, les Bactéries d’abord répandues uniformément sur tous les points de la préparation entourer les cellules vertes, non digérées, des feuilles contenues dans l’intestin, et s’y enfoncer comme pour les sucer. Dans d’autres cas, le même naturaliste a observé que les Bactéries développées dans une goutte de sang de ver à soie se réunissent, au bout de quelque temps, autour des globules sanguins, afin sans doute de prendre l’oxygène fixé par ceux-ci.

M. Engelmann a fondé sur ces faits la méthode dite des Bactéries. Il considère les bactéries comme un réactif vivant permettant de déceler la trillionième partie d’un milligramme d’oxygène, c’est-à-dire, suivant les calculs des physiciens, une quantité à peine supérieure à la molécule. Cette curieuse méthode a permis de trancher des problèmes biologiques restés jusqu’alors sans solution. Avant Engelmann, on ignorait si le protoplasma incolore des plantes vertes pouvait ou non dégager de l’oxygène. On sait aujourd’hui, grâce aux bactéries, que le grain de chlorophylle est le seul point où se fait ce dégagement. La même méthode a permis de démontrer, pour des plantes diversement colorées, que le maximum de dégagement de