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BINET.la vie psychique des micro-organismes

pigment. Ce qui détermine à croire que cette tache est un organe visuel, c’est la présence de ce pigment. On trouve en effet du pigment dans les organes visuels les plus élémentaires. Un second argument pourrait être invoqué ; le pigment rouge de l’Euglène présente les mêmes réactions que la matière colorante qui imprègne les bâtonnets de la rétine, chez les Vertébrés. Parmi ces réactions communes, nous citerons la décoloration sous l’influence de la lumière (Capranica).

Quoi qu’il en soit, ce qui est certain, c’est que les Euglènes sont très impressionnables à la lumière. Lorsqu’on les conserve dans un vase, on les voit tapisser constamment le côté éclairé. M. Engelmann[1] a constaté que la lumière agit très vivement sur ce petit animal ; elle n’agit pas directement sur la tache pigmentaire, ni, comme on l’avait pensé, sur le flagellum, mais sur le protoplasma qui est placé en avant de la tache. L’objectif micro-spectral spécial qui a été construit par M. Engelmann, permet de constater que les Euglènes s’accumulent surtout dans la bande F à G du spectre.

En ce qui concerne les Micro-organismes végétaux, nous avons déjà dit qu’un grand nombre de zoospores d’algues présentent, à la partie antérieure du corps, des taches oculaires d’une belle couleur rubis : ce sont des organes qui ont probablement la même structure que les taches rouges des Euglènes. De plus, il est probable que certains Microphytes possèdent des organes visuels plus complexes, composés de pigment rouge et d’un cristallin. M. Balbiani m’a récemment rendu témoin de ce fait sur le Pandorina morum, colonie sphérique de micro-organismes verts ; dans chaque colonie, il existe un certain nombre d’individus qui possèdent une tache rouge dont le contour est régulièrement circulaire ; si l’on examine cette tache avec un fort grossissement (avec le 18° immersion à homogène, de Zeiss), on constate facilement qu’elle est formée d’un petit globule sphérique, entouré, sur une portion de sa surface, par une couche de matière rouge. Cette observation est d’autant plus intéressante qu’elle est faite sur un être dont la nature végétale n’est plus mise en doute aujourd’hui ; les Pandorina sont des Volvociniens que les botanistes modernes placent parmi les Algues. Nous sommes heureux de donner la primeur de ce fait aux lecteurs de la Revue.

En décrivant l’œil des Protistes, nous avons dit que l’œil est le seul organe des sens qui se soit nettement différencié chez ces êtres inférieurs. Mais cette assertion est peut-être trop absolue. Quelques

  1. Bot. Zeitung, 1881, 1883, 1884, 1880.