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Quelque temps avant le travail de M. Pouchet, M. Künstler (de Bordeaux) a constaté, dans un Flagellé du genre Phacus, un œil rouge qui est également formé de deux parties ; il se compose d’un globule homogène, jouant le rôle de cristallin, et entouré d’un pigment rouge, jouant le rôle de choroïde.

Antérieurement à M. Künstler, Claparède et Lachmann, dans leur important ouvrage sur les Infusoires et les Rhizopodes, avaient décrit chez la Freia elegans, Infusoire cilié de la famille des Stentorinés, un organe visuel semblable. « Immédiatement en arrière de la troncature, disent-ils dans leur description, se trouve une tache semi-lunaire d’un noir intense, rentrant évidemment dans la catégorie de celles que M. Ehrenberg nomme, chez les Ophryoglènes, par exemple, un œil ou une tache oculaire. La signification de cette tache nous est restée complètement inconnue. Elle était souvent beaucoup plus compacte que celle des Ophryoglènes, et parfois on distinguait derrière elle un corpuscule très transparent, qui faisait naître involontairement dans l’esprit l’idée d’un cristallin. Nous ne pouvons cependant pas ajouter trop d’importance à cette idée, puisque les fonctions d’un appareil réfringent restent nécessairement problématiques, aussi longtemps que nous ne connaissons pas en arrière de lui un appareil nerveux susceptible de percevoir les impressions. »

Cette dernière conclusion nous paraît être d’une prudence exagérée. La coexistence d’un pigment et d’un cristallin suffit amplement pour caractériser un organe visuel. Quant à l’appareil nerveux susceptible de percevoir les impressions, il est remplacé par le protoplasma, qui est, comme on sait, sensible à la lumière.

Antérieurement encore, en 1856, Lieberkühn a décrit chez un Infusoire cilié, le Panophrys flavicans, une tache oculaire, composée d’un cristallin convexe, ayant la forme d’un verre de montre, enveloppé de pigment et placé sur le côté concave de la fosse buccale. Chez une autre espèce, l’Ophryoglena atra, il a trouvé du pigment noir, mais pas de cristallin.

Il est impossible de douter que ces organes ne soient pas des yeux, car ils ont la même structure que l’œil d’animaux comparativement supérieurs, tels que certains vers, turbellariés, rotifères, crustacés inférieurs, etc. ; tous ces organes sont formés semblablement d’un petit globule cristallin enchâsse dans une petite masse de matière pigmentaire. L’identité de structure conduit naturellement à admettre l’identité des fonctions.

L’œil des Euglènes est le plus simple de tous ; il est même réduit à son maximum de simplicité, puisqu’il se compose d’une tache de