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BINET.la vie psychique des micro-organismes

Cet œil occupe, dans la cellule du Péridinien, une place constante ; il a une orientation et une disposition uniformes. Il est constitué de deux parties, l’une un véritable cristallin, et l’autre une véritable choroïde. Le cristallin est un corps en forme de massue, hyalin, très réfringent, arrondi à son extrémité libre, laquelle est toujours tournée en avant, l’autre extrémité plongeant dans la masse pigmentaire qui représente la choroïde. Celle-ci est nettement limitée ; elle forme une sorte de calotte hémisphérique, enveloppant l’extrémité postérieure du cristallin. Dans une des deux formes de G. polyphemus, le pigment choroïdien est rouge, dans l’autre il est noir.

M. Pouchet a pu constater que, sur les individus jeunes, le cristallin est formé d’abord de 6 à 8 globes réfringents, qui se fondent les uns dans les autres pour finalement constituer une masse unique. De même, la choroïde résulte du rapprochement de granulations pigmentaires, d’abord éparses, qui se groupent et finalement dessinent la calotte hémisphérique coiffant l’extrémité postérieure du cristallin.

En somme, l’organe visuel de ce Péridinien est composé exactement des mêmes parties que l’œil d’un métazoaire, sauf un point, l’absence d’élément nerveux. Celui-ci n’est point différencié, mais reste diffus, ainsi, du reste, que l’ensemble du système nerveux. M. Pouchet fait remarquer l’intérêt que présente son observation au point de vue taxinomique. Les Péridiniens ont été parfois rapprochés des végétaux ; la présence d’amidon et de cellulose dans leur protoplasma a déterminé Warming à les classer à côté des Diatomées et des Desmidiées. On constate aujourd’hui que certains Péridiniens possèdent un œil, organe considéré jusqu’ici comme attribut exclusif de l’animal. Rien ne fait mieux sentir le caractère tout à fait artificiel de la distinction des animaux et des végétaux, lorsqu’il s’agit de Micro-organismes.

Avant de quitter les Péridiniens, disons que ces petits êtres présentent un fait intéressant au point de vue de l’histoire des Protozoaires ; ils sont munis d’un long flagellum ; ils présentent de plus une ligne équatoriale sur laquelle on avait cru autrefois reconnaître une couronne de cils vibratiles : cette coexistence supposée d’un flagellum et de cils avait déterminé les naturalistes à former un groupe de Cilio-flagellés, servant de transition entre les Flagellés proprement dits et les Ciliés. On a découvert depuis que les Péridiniens ne possèdent pas de cils vibratiles ; ce qui avait donné lieu à cette erreur, c’est la présence d’un second flagellum au niveau de la ligne transversale que nous venons de signaler ; les mouvements de ce flagellum ont l’aspect des cils vibratiles en mouvement.