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fondait sur ce fait pour soutenir que la tache des Euglènes n’est pas un œil ; il lui semblait impossible d’admettre que des Proto-organismes végétaux fussent en possession d’un organe visuel. C’est là un bel exemple d’idée a priori. Nous verrons plus loin que l’idée de Stein est aujourd’hui complètement abandonnée ; on en prend même la contre-partie, car on considère l’œil des Protistes comme destiné principalement à diriger une fonction végétale.

Klebs a pu étudier la structure des taches oculaires, en se servant d’un ingénieux artifice. Lorsqu’on traite les Euglènes par une solution à 1 p. 100 de sel marin, on détermine une dilatation énorme de la vésicule contractile creusée dans le protoplasma de l’animal ; or, comme la tache rouge est pour ainsi dire collée sur la vésicule, elle subit la même dilatation, ce qui facilite l’observation. On a reconnu ainsi que la tache est une petite masse discoïde ou triangulaire, à contour irrégulier, déchiqueté ; elle est formée de deux substances ; elle a pour base une petite masse de protoplasma réticulé, et dans les mailles de ce protoplasma se trouvent des gouttelettes d’une substance huileuse, colorée en rouge.

Ce pigment rouge, auquel on a donné le nom d’hématochrome, n’est pas sans analogie avec le pigment vert de la chlorophylle, car ce dernier rougit sous certaines influences. Par exemple, le pigment chlorophyllien qui remplit tout le corps de l’Hematococcus pluvialis devient rouge, quand l’animal passe à l’état de repos ; de même les spores dormantes des algues prennent une teinte rouge. De même aussi, dans beaucoup de végétaux, les parties de la fleur destinées à devenir rouges sont vertes lorsqu’elles sont enfermées dans le bouton. Il est donc probable que la pigmentation rouge des Euglénoïdiens dérive d’un pigment vert.

Quelle est la signification physiologique de ces taches ? Ehrenberg les considérait comme des yeux ; de là le nom de Euglena (mot à mot, bel oil), qu’il avait donné à une espèce de Flagellès munis de taches oculaires. Cette interprétation avait été révoquée en doute par tous les auteurs de son époque, notamment par Dujardin. Aujourd’hui, les naturalistes y reviennent, par suite des observations qui ont été faites sur d’autres Micro-organismes qui possèdent un cil plus complet.

M. Pouchet a décrit chez le Glenodinium polyphemus, qui appartient au groupe des Péridiniens (ou Dinoflagellés, suivant la dénomination de Bütschli), un œil sur la signification duquel on ne peut pas se méprendre[1].

  1. Comptes rendus de l’Acad. des Sciences, 2 nov. 1886, nº 18.