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Polycystidés ont un mouvement très singulier, de translation totale, rectiligne, uniforme ; l’animal parait glisser tout d’une pièce sur le porte-objet ; il peut aller à droite, à gauche, suspendre son mouvement, le reprendre ; il est libre de son allure. Or, pendant ce mouvement, on ne voit rien se passer soit à l’extérieur, soit à l’intérieur du corps. On observe un fait analogue chez les Diatomées. On a voulu expliquer cette mystérieuse translation des Grégarines par une ondulation imperceptible du sarcode ; mais s’il se produisait des ondulations quelconques, on devrait observer un mouvement corrélatif dans les granulations intérieures ; or, c’est ce qu’on ne voit jamais[1].

Il existe donc encore beaucoup d’obscurité sur le principe du mouvement chez les Proto-organismes. Les théories qu’on s’est faites sur la contraction musculaire, en observant les animaux supérieurs, ne sont point toujours suffisantes pour expliquer la motilité de certains Protozoaires et Protophytes.

Système nerveux. — On n’a pas trouvé jusqu’ici dans un seul Protoorganisme le moindre rudiment d’un système nerveux central. La fonction nerveuse, chez ces êtres inférieurs, reste dévolue au protoplasma[2], qui est irritable, qui sent et qui se meut, et qui même, chez certaines espèces, comme nous le verrons plus tard, est capable d’accomplir certains actes psychiques dont la complexité paraît hors de proportion avec la petite quantité de matière pondérable servant de substratum à ces phénomènes. Il n’y a pas d’ailleurs lieu de s’étonner qu’une masse indifférenciée de protoplasma puisse exercer les fonctions d’un système nerveux véritable ; tout élément nerveux n’est en somme qu’un produit de différenciation du protoplasma ; ce dernier résume en lui toutes les fonctions qui, par suite d’une division du travail ultérieure, chez les êtres pluricellulaires, ont été réparties entre des éléments distincts.

On a donc dit avec raison que, s’il n’existe point de système nerveux anatomiquement différencié chez les organismes inférieurs, il faut admettre cependant que leur protoplasma contient un système nerveux diffus. Parmi toutes les observations qui appuient cette idée, il faut en citer une sur laquelle M. Gruber, professeur à Fribourg en Brisgau, a récemment appelé l’attention. Cette observation a été faite sur un gros Infusoire cilié, le Stentor, dont il sera si souvent question par la suite qu’il est utile d’en donner par avance la diagnose sommaire.

  1. Balbiani, Leçons sur les Sporozoaires.
  2. Nous entendons ici par protoplasme le corps cellulaire tout entier ; nous chercherons plus tard à établir une distinction de fonctions entre le protoplasma "proprement dit et le noyau.