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BINET.la vie psychique des micro-organismes

observations récentes[1], a pu suivre l’extrémité des cils vibratiles jusque dans l’intérieur du protoplasma ; il a fait cette observation sur les cils marginaux du Stylonichia ; il a vu partir de chacun de ces fils une fibre pâle qui s’avance presque immédiatement sous la cuticule dans une direction perpendiculaire au bord latéral du corps ; vers la ligne médiane de la face ventrale les fibres sont parfois mises à nu, parce que le corps de cet Infusoire se vide de sa substance protoplasmique ; les fibres ont alors l’aspect de cordes tendues. Engelmann voit dans cette observation une confirmation de l’opinion que le corps de l’infusoire est formée d’une cellule unique, car, d’après d’autres observateurs, il existe aussi dans les cellules vibratiles des stries filiformes qui paraissent continuer les cils, et qui traversent le protoplasma de la cellule dans toute sa longueur[2].

On pourrait ajouter à cette observation directe plusieurs autres faits montrant que les cils vibratiles sont bien des prolongements du plasma. Les cils se comportent comme le protoplasma cellulaire sous l’action des réactifs ; ils sont coagulés par les acides et dissous par les alcalis faibles, tandis que la cuticule résiste davantage à ces mêmes agents.

Ces appendices vibratiles ne sont pas sans analogie avec les pseudopodes des cellules nues ; c’est ce que Dujardin, un naturaliste français, a démontré en 1835, bien qu’on ait rapporté depuis l’honneur de cette découverte aux Allemands. Dujardin[3] a constaté que le mouvement amiboïde et le mouvement ciliaire ne sont que deux manifestations de la propriété contractile du protoplasma. En effet, si au lieu d’examiner un pseudopode à contours lobés comme celui de l’amibe, on observe les pseudopodes grêles et filamenteux des Foraminifères, on voit que l’extrémité du filament est animée du même mouvement vibratoire que le cil vibratile.

On a observé toutes les transitions entre les cils fins et délicats et les gros cils, effilés en forme de stylet, auxquels on a donné le nom de cirres[4] ; d’ailleurs les cirres sont formés par des cils agglutinés ; à l’aide de certains réactifs on arrive à les dissocier.

Une observation faite par M. Balbiani sur un infusoire cilié, le Didinium nasutum (voir plus loin, les figures), montre que le mouvement des cirrhes n’est pas un mouvement involontaire comme celui des cils de l’épithélium vibratile, avec lequel il a été souvent com-

  1. Pflügers Arch., t.  XXIII, 1880.
  2. Rouget. Revue scientifique, 15 mars 1884.
  3. Annales des sciences naturelles, 1835, t.  IV, p. 348 et 361.
  4. Ces organes sont encore connus sous les noms de cornicules, crochets, pieds rames, pieds-marcheurs, etc.