Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 24.djvu/446

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
442
revue philosophique

programme d’études. Les considérations principales en sont pourtant utiles à relever.

M. Spitta entend la philosophie comme une théorie des concepts des sciences particulières, et il montre dans la psychologie le point de départ de la recherche philosophique. La psychologie n’est donc pas pour lui la science fondamentale ; toute philosophie, toute science n’est pas de la psychologie appliquée. Mais la psychologie est essentiellement la « phénoménologie » de la conscience, ou la théorie des lois naturelles de la pensée.

Lois naturelles : car la continuité, la régularité du processus psychique est une première hypothèse indispensable. Mais qu’est-ce que le fait de conscience ? L’introspection nous le livre comme objet d’expérience, sans nous instruire d’abord de la nature de cette livraison. Et en effet, le présent nous échappe absolument. Notre colère, par exemple, est passée ou affaiblie, quand nous la voyons. Ce n’est pas l’événement psychique en lui-même qui peut jamais être considéré, c’est seulement son image, formée après coup, et cette image est la matière première de la psychologie.

Cette image est ma perception. Or, la perception suppose le jugement de la perception, c’est-à-dire les catégories ; l’image a une certaine position dans mon souvenir, et elle emporte avec elle une détermination quant au temps et à l’espace. L’office des catégories n’est donc pas de constituer les jugements d’expérience, mais d’en montrer la généralité et la valeur. Bref, on ne saurait distinguer la forme de la perception de son contenu ; elle est donnée d’emblée, et telle quelle.

M. Spitta écarte ainsi les discussions vaines greffées sur le kantisme, à savoir si l’expérience est un présent de l’entendement, ou l’entendement un présent de l’expérience. La vérité est que l’expérience objective se construit sur le fondement de l’expérience subjective, pour nous conduire à la science ; que l’entendement élabore la perception, et ne la crée pas.

Si maintenant nous analysons les images psychiques les plus compliquées, nous arrivons toujours à ces formes, irréductibles et inséparables, — se représenter, sentir. Elles signifient la réaction de l’individu à l’excitation. Il n’est pas de représentation sans sentiment, et tout sentiment a pour fond une représentation (la volonté n’échappe pas à cette analyse). D’où il suit qu’on peut analyser des représentations, des sentiments, mais non pas la représentation, le sentiment (voy. P. 102 et suiv.).

Ce fait de conscience, que la récollection mémorielle nous livre, a sa place faite dans le cours de notre expérience journalière ; il est contigu à d’autres ; il a des parties communes avec d’autres, en plus de sa caractéristique. L’analyse nous montre encore des phénomènes d’échange, de succession, de réveil des représentations, et la psychologie de l’association s’est fondée sur ces phénomènes, déjà remarqués par Aristote.