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ANALYSES.h. voltz. La morale comme science.

M. Voltz se sépare aussi des moralistes de l’évolution, tels que Spencer, Stephen et Rolph. Il reproche à Spencer de transporter l’idée d’évolution du domaine biologique dans le domaine moral, et il démasque sa prétention, assez extraordinaire chez un moraliste positif, à déduire de principes fondamentaux les règles de la conduite. Il estime que le critère de la « santé » sociale, proposé par Stephen, ne remplace pas avec avantage le simple « bonheur » des utilitaires. Il observe, contre Rolph, que la conformité de l’homme aux conditions de vivre est une question qui dépasse la doctrine de l’évolution. Le prix de la vie, pour l’homme moderne, est quelque chose de plus que pour l’animal biologique ; et si l’école évolutionniste a remarqué avec raison que l’homme doit vivre d’abord, avant d’agir moralement, c’est là une vérité de jonc (Binsenwarheit) sur laquelle on ne peut édifier l’éthique proprement dite.

Enfin M. Voltz se sépare de Laas, parce que celui-ci n’a pas osé interpréter en positiviste les résultats de son enquête morale. Laas a voulu conserver au devoir le caractère « catégorique » ; il a porté dans l’absolu la notion du bien objectif, général, et partant celle de l’obligation.

Selon M. Voltz, au contraire, ce problème de l’obligation, où l’on chope, n’est pas scientifique. La fin du bonheur étant admise, le code moral est un fruit de l’expérience, et c’est affaire au sociologue, au pédagogue, de maintenir la moralité. Cette dernière question est purement pratique. M. Voltz est un hédoniste, mais il n’oublie pas que l’homme civilisé possède des sentiments de plaisir qui sont proprement humains et n’ont pas de mesure biologique. Il se garde pareillement de l’erreur de certains utilitaires, et par exemple de M. de Gizycki, lesquels prétendent estimer chaque action à la quantité de plaisir qu’elle contient. Cette méthode quantitative n’est pas à la portée de l’individu. Il suffit que l’homme moyen suive le code moral, usuel et pratique, comme s’il y était obligé catégoriquement.

Ainsi la réponse est déjà faite à cette deuxième question : Pourquoi l’homme doit-il obéissance à la morale ? — On ne peut pas prouver l’obligation à l’égoïste. Être obligé, cela est un « sentiment » ; et ce sentiment est le résultat de l’éducation, il est un simple fait.

Lucien Arréat.

Dr Heinrich Spitta. — Einleitung in die psychologie als wissenschaft (Introduction à la psychologie comme science). Freiburg, Mohr, 1886, VIII-154 p.. in-8o.

M. le professeur Spitta est un psychologue de haute valeur. Il l’a prouvé en deux précédents ouvrages, où il a étudié, dans l’un les phénomènes de la volonté, et dans l’autre ceux du sommeil et des rêves, dans leurs rapports avec les actes impulsifs et l’aliénation mentale.

L’ouvrage qu’il nous offre aujourd’hui est destiné aux étudiants, non pas au grand public, et l’honorable professeur n’y a voulu tracer qu’un