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Dr Hans Voltz.Die Ethik als Wissenschaft mit besonderer berücksichtigung der neueren englischen Ethik (La morale comme science, à l’égard principalement de la morale anglaise moderne). Strasbourg, Trübner, 1886, 55 p. in-8o.

Un excellent travail, court, substantiel et facile à lire, que celui de M. Voltz. La question qui y est posée est celle-ci : Que peut nous donner une morale scientifique ? Mais la réponse à cette question spéciale dépend de celle qu’on fera à cette autre question préliminaire : que peut nous donner la recherche scientifique en un ordre de faits quelconque ?

C’est-à-dire qu’il faut s’entendre d’abord sur la méthode, et sur la portée véritable de la « connaissance ».

Disciple de Laas, M. Voltz accepte son positivisme, et il ne se sépare de lui que pour éviter une inconséquence où le culte exagéré de la vérité scientifique a fait tomber le maître. Laas eut dû dire, en vertu de sa propre doctrine : « Il n’est plus pour moi de connaissance absolue ; la science est une simple systématisation des faits, et ce qu’on appelle expliquer, connaître, n’est que subsumer à un fait connu un inconnu. » Mais il lui parut que ce serait tomber dans le septicisme, et il ne voulut pas laisser dire aux idéalistes que le positiviste n’est pas en état de découvrir une vérité objectivement valable, nécessaire, compréhensive, absolue, fondamentale. »

Aux épigones de Laas il appartient de déclarer nettement que le positivisme ne prétend pas à une valeur absolue, mais à une valeur de fait ; que la science ne peut nous livrer que des vérités de fait, et qu’elle a atteint son but quand elle a systématisé les faits de façon à nous permettre de les commander. Ainsi la « théorie de la connaissance » devient la critique de la connaissance », et le positivisme allemand n’écarte pas cette critique, comme l’a fait le positivisme naïf de l’école française et de l’école anglaise.

Passons maintenant à la question spéciale. Elle en enferme deux, celle de la fin morale ou de la conduite, et celle de l’obligation.

Comment l’homme doit-il agir ? — Pour tous les moralistes qui ne sont pas des intuitionnistes, cette question revient à rechercher quel est le souverain bien. Mais, pour les positivistes purs, cette fin du souverain bien sera un fait, non pas une règle, et c’est pourquoi M. Voltz se sépare de Sidgwick, tout en acceptant la fin du bonheur proposée par ce philosophe.

M. Sidgwick ne peut prendre son parti de la contradiction de la raison individuelle avec la raison universelle, et il veut concilier l’utilité avec l’égoïsme ; il a la croyance que cette conciliation doit avoir lieu de quelque façon, must be somehow found, et que l’ordre moral, que nous voyons imparfaitement réalisé dans le monde, est en réalité parfait. Le positiviste accepte au contraire cette contradiction comme un fait, et s’il cherche à la corriger, c’est pratiquement, non pas théoriquement.