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ANALYSES.stricker. Des vraies causes.

ne peut provenir de rien. Quand un corps au repos entre en mouvement, c’est en conséquence d’une impulsion qu’il a reçue et qui ne peut s’anéantir. Quand un corps en mouvement s’arrête, il faut que ce mouvement se transmette à un autre, comme travail mécanique, chaleur, etc. Ces expériences nous forcent à conclure qu’à l’origine l’univers était pourvu d’une certaine somme de mouvements qui ne peuvent se détruire. Tous les changements qui ont lieu dans le monde des phénomènes n’ont d’autre cause que des transmissions de mouvements. Ce que nous désignons par enchaînement de causes n’est qu’un enchaînement de transmissions. Et quand les esprits investigateurs recherchent les causes d’un phénomène, la question qu’ils se posent devrait proprement être celle-ci : Quelle était la nature du mouvement dans ce que nous remarquons phénomène, et à quel corps était-il inhérent.

Selon l’avis de l’auteur, c’est Galilée qui a fondé la doctrine de la causalité, car c’est lui qui a reconnu le principe de l’inertie des corps, en vertu duquel un corps ne peut se mouvoir qu’autant qu’on lui transmet un mouvement ; un corps ne peut être inerte que quand il perd son mouvement. « Vraiment, dit l’auteur, deux œufs de la même poule ne peuvent se ressembler davantage que le principe de « l’inertie » et celui de la « causalité ».

Les sources des mouvements sont la vraie cause de tout mouvement. Quand un homme tire un coup de fusil, la vraie cause du mouvement du projectile n’est pas dans sa volonté, mais bien dans l’accumulation de travail qui est emmagasinée dans la poudre. La volonté de l’homme n’est que l’occasion qui opère la transformation de ce travail accumulé. Elle n’agit pour ainsi dire que comme l’action du cocher qui met ses chevaux en mouvement. La vraie cause du mouvement de la voiture c’est le mouvement (force) des chevaux, et non celui du cocher qui le provoque.

L’opuscule dont nous venons d’exposer l’idée principale semble n’être que le prologue de travaux de même nature. Nous y reviendrons à l’occasion.

Frédéric Schwiedland.

Theodor Weber.Emil Du Bois-Reymond. Eine Kritik seiner Weltansicht. Gotha, Friedrich Andreas Perthes, 1885, in-16, 266 pages.

Dans la Revue philosophique de janvier 1885 (p. 111), quelques lignes ont été consacrées à un article paru dans les Philosophische Monatshefte de 1883 et écrit par Th. Weber sur les Sept énigmes du monde de Du Bois-Reymond[1].

Cet article forme le premier chapitre du volume dont nous allons

  1. Voir, sur ce discours du célèbre physiologiste de Berlin, la Revue philosophique de février 1882, p. 180.